Le dernier opus de la célèbre saga, réalisé par James Mangold, livre une mise en scène monotone, sans grand intérêt.
“Tout corps plongé dans un fluide au repos subit une force verticale vers le haut égale au poids du volume de fluide déplacé” : ce fameux principe de poussée découvert par Archimède pourrait aussi décrire les forces contradictoires écartelant ce cinquième opus d’Indiana Jones, sous-titré Le cadran de la destinée. Le “corps plongé”, c’est évidemment celui d’Harrison Ford qui, à 80 ans, enfile une dernière fois son Fedora brun et son blouson de cuir tanné. Quant au « fluide au repos », c’est le divertissement disneyisé tel qu’il va, avec sa nostalgie calculée, son cahier des charges impérieux et sa logique de brocanteur cupide, théoriser au détour d’un dialogue par la pimpante Phoebe Waller-Bridge : “…Et maintenant c’est moi qui le vend, et ça s’appelle le capitalisme.”
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George Lucas ayant depuis longtemps vendu ses droits au ferrailleur, et Steven Spielberg n’ayant pas souhaiter rempiler, quinze ans après son décevant Royaume du crâne de cristal, c’est à James Mangold qu’est revenue la complexe tâche de relever le gant, une ultime fois, et d’offrir une conclusion digne de ce nom à l’un des grands mythes hollywoodiens contemporains. Vu les contraintes qui pesaient sur le projet, cet excellent artisan spécialisé dans le lustrage d’antiquités (Copland, Logan, Le Mans 66) était sans doute le cinéaste idoine, mais on ne peut s’empêcher de regretter que l’auteur des quatre précédents — le seul à avoir jusqu’ici commandé, seul, aux destinées d’une telle franchise — n’ait pas souhaité écrire le point final de sa saga chérie.
Une œuvre fatiguée et convenue
Mangold ne démérite pas mais livre un film extrêmement normé, voire routinier, agréable à l’œil — si l’on excepte quelques arrières plans numériques invraisemblablement moches — mais sans aucune aspérité. Les vingt premières minutes nous replongent à la fin de la Seconde guerre mondiale, dans un train rempli de nazis (convoqués finalement dans un Indy sur deux), à la recherche d’une invention d’Archimède capable, dit-on, d’ouvrir les portes du temps… Dans cette introduction enlevée, Harrison Ford est dé-agé numériquement et ramené à la petite cinquantaine, offrant un beau contraste avec le vieux prof à la retraite qui va, dans le cœur du récit en 1969, tenter d’empêcher un ancien scientifique nazi (Mads Mikkelsen, en simili Von Braun) de s’approprier la relique grecque.
Difficile de concevoir, sur le papier, meilleur prétexte à ces retrouvailles avec un mythe au seuil de l’Ephad qu’une histoire de voyage dans le temps. Hélas Mangold n’en fait pratiquement rien, se contentant d’enchaîner les courses-poursuites en pilote automatique, toutes scènes dans lesquelles le corps pas si décati du vieux Ford est davantage posé que filmé. A l’exception d’un très beau plan sur le torse nu de l’octogénaire tiré de sa torpeur par le Magical Mystery Tour des Beatles, sa physicalité forcément déclinante n’est pas un sujet, ou en tout cas pas assez pris en charge par la mise en scène. Ce qui donne un film “fatigué », plus que “sur la fatigue”, qui avance pépère, 2h22 durant, avec son fan service en bandoulière, sans jamais être bouleversant ni même troublant. Un film à l’image du personnage un peu pénible interprété par Phoebe Waller-Bridge (mais toujours moins que l’adolescent qui l’accompagne), qui pense que les antiquités ont moins leur place au musée, dans leur plus bel écrin, que sur le marché, livrées au règne impitoyable du négoce.
Indiana Jones, le cadran de la destinée, de James Mangold. En salle le 28 juin.
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