Ce récit d’un amour devenu impossible, celui qui lie une fillette à sa nourrice, remue nos certitudes.
Cléo, toute frisée, a 6 ans et des lunettes. Elle vit seule avec son papa car sa mère est morte. Elle est gardée et élevée par sa nounou cap-verdienne, Gloria. Ces deux-là s’entendent comme larrons en foire. Mais quand Gloria doit quitter la France et retourner dans son pays pour s’occuper de ses enfants, la séparation est très rude, surtout pour Cléo, qui avait trouvé en Gloria une mère de substitution. Mais le père l’avait promis : Cléo part donc quelques semaines au Cap-Vert pour revoir Gloria. Les retrouvailles sont heureuses. Mais Cléo est tiraillée par ses démons, et César, le fils adolescent de Gloria, a du mal à s’habituer à cette mère qu’il n’a jamais vraiment connue.
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Il faut d’abord saluer les qualités d’écriture du film, qui montre sans démontrer les dégâts de l’émigration, qui oblige des femmes à partir pendant des années pour gagner la vie de leur famille. Femmes qui, à leur retour, sont considérées comme des étrangères par leurs propres enfants, ou comme des vaches à lait par les hommes du coin.
Ni sentimentalisme ni misérabilisme
Nous sommes vite subjugué·es par la pudeur, la retenue, la douceur de la mise en scène, qui ne tombe jamais ni dans l’excès de sentiments ni dans le misérabilisme, et par ses deux interprètes : Ilça Moreno et surtout la jeune Louise Mauroy-Panzani, bouleversante et déjà si mûre pour son âge.
Parfois, quelques saynètes de dessins animés – qui évitent la psychologie de comptoir – illustrent les pensées et fantasmes les plus secrets de Cléo. La petite fille doit et va comprendre bien des choses, et notamment surmonter un second deuil. La réalisatrice Marie Amachoukeli avait coréalisé, avec Samuel Theis et Claire Burger, le beau Party Girl, Caméra d’or en 2014. Àma Gloria, film d’ouverture de la Semaine de la critique à Cannes cette année, vient confirmer son grand talent.
Àma Gloria de Marie Amachoukeli, avec Louise Mauroy-Panzani, Ilça Moreno, Arnaud Rebotini (Fr., 2023, 1 h 24). En salle le 30 août.
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