Récompensé hier du Grand prix de la Semaine de la critique, le Colombien signe le premier film le plus maîtrisé de cette édition.
Un Grand prix et un prix SACD : Andrés Ramírez Pulido est sans conteste le grand gagnant de la sélection parallèle dédiée aux premiers et deuxièmes films, dirigée pour la première fois cette année par Ava Cahen. Vue l’impressionnante maîtrise de ce film racontant avec majesté la vie de mineurs délinquants en Colombie, il ne serait pas impensable de voir une Caméra d’or s’ajouter dans deux jours.
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Très gai et bavard, Ramírez Pulido contraste nettement avec la gravité sourde de son film, qui retrace l’histoire d’un groupe de pré-ados colombiens coupables de crimes impensables pour leur âge (un parricide pour le personnage principal), incarcérés dans une étrange prison délabrée perdue dans les tréfonds de la jungle, où ils sont traités comme des bêtes et réduits en esclavage. “J’ai fait très attention à éviter un certain cliché de cinéma latino-américain sur la violence et les enfants des rues”, cliché qu’il préfère ne pas nommer directement, mais dont on peut jouer à deviner les exemples (La Cité de Dieu ?).
Adolescents marginaux
Les acteurs de La Jauría “ont eu une vie assez proche de celle de leur personnage” et le réalisateur s’est attaché de façon très sophistiquée à capter leur essence, leur manière de se mouvoir, de se parler, de se taire aussi beaucoup, mais aussi de filmer par-dessus tout, la très étrange disparition de toute part d’enfance en eux, sortes de gangsters revenus de tous les cercles des enfers criminels (drogue, meurtre…) et piégés dans des corps de garçon de douze ans. La Jauría est son premier long, mais ses trois courts métrages (Mirar hacia el sol, El Eden, Damiana) s’étaient déjà tous intéressés à ces enfants et adolescent·es marginaux·ales qu’il filme d’autant mieux qu’il les connaît très bien.
Quand on lui demande s’il a dans son panthéon personnel des grands filmeurs d’enfants, du côté du néoréalisme ou de la Nouvelle Vague par exemple, il répond sans détour : “je ne suis pas un cinéphile né, je n’ai pas vu beaucoup de films anciens”. Le cinéma est venu à lui par le hasard des études, s’étant inscrit à un cursus de réalisation à l’université de Bogotá à défaut d’une meilleure idée. “C’était en partie le hasard, et en partie ce qu’on pourrait appeler une espèce de pulsion juvénile de création antisystème.” Une hubris que le jeune trentenaire assume et qui aboutit aujourd’hui à un premier long saisissant de maturité, dont le geste souverain devrait essaimer toute l’année dans les festivals de continuité cannoise. Son distributeur, Pyramide, a pour l’instant daté sa sortie en salle assez loin, le 5 avril 2023.
La Jauría d’Andrés Ramírez Pulido avec Jhojan Estiven Jimenez, Maicol Andrés Jimenez… En salle le 5 avril 2023
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