Avec “Feu follet”, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, le cinéaste portugais João Pedro Rodrigues signe le film le plus impétueux et tonitruant du festival.
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“Comment osez-vous ?” Depuis le discours de Greta Thunberg à l’ONU devant les maîtres du monde, en 2019, le verbe “oser” a pris un tour violemment négatif. Ceux qui osent (mentir, dépouiller, réprimer) sont les tenants sans scrupule d’un capitalisme défiltré et court-termiste qui s’illusionne des “contes de fées d’une croissance éternelle”. Pourtant le verbe peut se parer aussi d’un très grand prestige. “Oser”, c’est probablement la condition nécessaire pour affirmer une vision d’artiste.
C’est de la Quinzaine des Réalisateurs qu’est venu le film le plus osé – audacieux, tonitruant – du festival : Feu follet, le sixième long-métrage de João Pedro Rodrigues, dans lequel un jeune homme impétueux, prince qui ne veut pas de sa couronne, cite justement avec ferveur Greta Thunberg dans un violent réquisitoire contre ses parents : “Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance…”
Frénétiquement fantasque
Personne ne saurait voler les rêves et la part d’enfance du cinéma de João Pedro Rodrigues, un des plus mystérieux et poétique apparu au XXIème siècle, une œuvre majeure, pas encore tout à fait reconnue à sa juste mesure. Mais de O Fantasma (2000) à L’Ornithologue (2016), cette œuvre s’était jusqu’alors avancée sur des territoires enténébrés, écorchés, mélancoliques… Feu follet produit une petite révolution dans le cinéma de son auteur : le film est frénétiquement fantasque ; son rapport au désir est solaire joyeux ; on y danse (dans des scènes de comédies musicales merveilleusement filmées) ; on y baise (jusqu’à l’éjac’ faciale la plus incongrue et drôle jamais vue) ; on y réécrit toute l’histoire de l’art sur un mode orgiaque (irrésistibles scènes où des pompiers à poil recomposent acrobatiquement les postures de chefs-d’œuvre de la peinture classique).
Cette vigueur, c’est à la fois de la libido (Feu follet est le film le plus désirant du festival) et de la colère politique (de la catastrophe climatique en cours au Covid, de l’histoire coloniale du Portugal au racisme contemporain, tout ce qui fait l’époque y est rejoué sur un mode percutant et farcesque). Le film nous venge de trop nombreux pensums vus à Cannes, auscultant le mode de la commisération. Ce feu follet est un feu de joie.
Feu follet, de João Pedro Rodrigues, présenté à la Quinzaine des réalisateurs
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