Pour son quatrième long métrage en tant que réalisateur, Louis Garrel trouve son endroit et signe son œuvre la plus libre et maîtrisée.
Avec L’Innocent, Louis Garrel semble avoir trouvé son endroit. Après avoir exploré avec élégance et raffinement les contours de la triangulation amoureuse avec Les deux amis et L’homme fidèle, puis fait une incursion mineure mais attachante du côté de la fable écolo avec La Croisade, l’acteur et cinéaste réalise avec ce quatrième long-métrage une perfection de comédie. Annoncé comme un polar sur fond de relation mère-fils hautement inflammable incarnée par Anouk Grinberg et Louis Garrel, L’Innocent est largement autobiographique puisqu’il est inspiré de la mère du comédien, la cinéaste Brigitte Sy, et d’une partie de son histoire qu’elle-même a déjà mis en scène au cinéma en 2010 dans Les Mains Libres. Le film racontait à l’époque la rencontre amoureuse entre une réalisatrice travaillant dans le milieu carcéral et un prisonnier, ici Roschdy Zem.
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Son histoire à elle, son regard à lui, c’est à ce pacte que nous invite L’Innocent, après nous avoir lancé sur une fausse piste. La séquence d’ouverture et ce personnage éruptif de mère ont quelque chose de Juste la fin du monde de Xavier Dolan qui multiplie les entrées et les indices pour faire émerger sa singulière tonalité. Cette tonalité, Louis Garrel l’a confectionnée avec l’aide de l’écrivain Tanguy Viel et de la cinéaste et scénariste Naïla Guiget. Le comique est sans cesse ramené à un rapport à la fois angoissé, anxieux et amusé au monde, à une noirceur qui rappelle Pierre Salvadori et son goût pour les âmes blessées.
Noémie Merlant dans un nouveau registre
S’il trouve son endroit, c’est sans doute aussi que Garrel se libère symboliquement, tout en les chérissant, de ses pères de cinéma – sont cités Jacques Demy, Brian de Palma ou Christophe Honoré… Mais aussi, surtout, du sien et, avec lui, de son étude torturée du sentiment amoureux pour lui préférer l’excentricité, le goût du risque de la mère et un comique de situation, une profondeur, un héritage, qui rappelle davantage la comédie de remariage et le mélodrame. L’Innocent ménage ainsi quelques grandes scènes d’hilarité, comme celle du restaurant de station-service, petite merveille d’écriture à double fond et de jeu – Noémie Merlant, géniale dans le registre.
À l’instar des Amandiers, dont il partage le chef opérateur et dans lequel Garrel campe Chéreau, et d’autres films vus à Cannes cette année, L’Innocent est un film de “je” qui trouve dans le théâtre l’expression idéale d’une vérité de soi, du risque que cela implique, mais dans une forme d’allégresse vivifiante.
L’Innocent de Louis Garrel, avec Jean-Claude Pautot, Roschdy Zem, Louis Garrel et Anouk Grinberg, présenté hors compétition au Festival de Cannes, au cinéma le 12 octobre 2022.
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