Le réalisateur d’“Alice et le maire” dévoile un long-métrage pétri d’humour, de politique et de judéité.
Faire entrer les juifs chez Hitchcock et Tintin, c’est la note d’intention ouvertement citationnelle du nouveau film de Nicolas Pariser, qui met dès son premier plan les deux pieds dans le pastiche : une blonde filmée de dos porte un chignon en spirale, façon Kim Novak dans Vertigo. Quelques minutes plus tard, sur la scène de la Comédie-Française, un acteur meurt et donne dans son dernier souffle un indice mystérieux concernant son assassinat, comme l’antiquaire Barnabé du Secret de la licorne.
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Le film se lance alors dans son mouvement perpétuel qui est à la fois une fuite et une enquête, à la façon d’une bande-dessinée, ou de La Mort aux trousses, centrée sur un acteur de la troupe soupçonné à tort, et soupçonnant lui-même la police d’être corrompue par les commanditaires du meurtre. Il va être vite rejoint par une dessinatrice, Claire (comme la ligne), qui le suit autant par simple curiosité que pour échapper à un repas familial. Les deux ont aussi en commun une judéité tourmentée.
Une course effrénée et inspirée
Tout va très vite dans Le Parfum vert, et la rapidité screwball de son récit a quelque chose de véritablement grisant, comme une espèce d’accident permanent, de corps burlesque qui chute dans un escalier. On court après un type, paf il meurt, plouf on tombe, zou on repart. Célérité, légèreté, activité sont les maîtres mots d’un récit qui parvient ainsi à ne jamais s’écrouler, alors même que ses clins d’œil et pastiches (il y a quasiment un côté Hazanavicius, le cynisme en moins) risquent souvent de le ralentir, et aussi de poser un petit problème de croyance et d’artifice. Car finalement la superposition d’hommages ne fonctionne pas tout à fait : Pariser nous fait en quelque sorte entrer dans un fantasme cumulatif de cinéma et de bande-dessinée (la scène du manoir est assez exemplaire de cette superposition incongrue, avec un grand méchant archétypal trônant dans un salon-librairie-fumoir à boiseries luxueuses mais avec des étagères remplies de BD franco-belges) mais il ne fait ni un Hitchcock (pas assez pervers), ni un Tintin (pas assez épuré).
C’est donc à son humour et à son dynamisme (mais ils sont grands) que le film doit une réussite quelque peu accidentée – ainsi qu’à sa faculté à révéler sous son intrigue faussement naïve des couches de commentaire politique et historique assez denses : les inquiétudes juives qui se réveillent (scène très drôle et cruelle de crise d’angoisse de Vincent Lacoste qui ne supporte pas de prendre le train en Europe centrale), les conspirations d’extrême-droite qui déstabilisent la social-démocratie européenne traditionnelle. Pariser, qui a profité du succès d’Alice et le maire pour monter un projet à la vocation spectaculaire rarissime en cinéma d’auteur français, n’y change finalement pas de dimension car ses meilleurs atouts restent ceux de ses films moins ambitieux : sa profonde intelligence, son classicisme élégant et son humour.
Le Parfum vert, de Nicolas Pariser, avec Sandrine Kiberlain, Vincent Lacoste… Présenté à la Quinzaine des réalisateurs.
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