Premier épisode d’une chronique gonzo où tout est vrai, sauf ce que j’invente. Au programme : nudité, bricolage, accidents domestiques et techniques de grattage.
J’ai compris que Les Inrocks passeraient un festival de charognards quelque part entre Avignon TGV et Saint-Raphaël Valescure, au moment où Bruno s’évitait l’interminable queue du wagon-restaurant grâce à une Audrey Diwan idéalement positionnée tout près du comptoir. Le coucou amical du Lion d’or avait sonné quelques secondes plus tôt comme une invitation presque obscène : entamer une conversation courtoise au nez et à la barbe des 678 passagers attendant derrière elle, et la terminer quelques minutes plus tard par la commande nonchalante du dernier taboulé-boulgour gourmet de Michel Sarran de la réserve. Au bon vieux temps des files d’attente devant la salle Debussy, c’est comme ça que le festivalier sans scrupule gagnait sa place en carré or. Aujourd’hui, Bruno s’entraîne dès le TGV.
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Voir, prendre, ne rien donner en retour : s’ouvre un festival placé sous le signe d’une morale du bénéfice personnel et immédiat, qu’incarnerait volontiers Simon, notre assistant vidéo, qui vit officiellement son “premier” festival Inrocks. Même si la réalité est qu’il squatte clandestinement nos Airbnb cannois depuis une édition que même la légendaire mémoire de Jean-Marc échoue à dater (“attends, c’était pas déjà lui qui nous avait fait des pâtes en 2015 ?!”). Aujourd’hui, c’est comme s’il faisait déjà partie des meubles. Il s’est acquitté de sa première heure de travail en filmant les critiques sur la plage entièrement nu. J’admire son assurance.
Pas tout à fait autant, cependant, de celle de Marilou, qui s’est déjà affirmée comme le mâle alpha de l’équipe, au moment où Bruno et moi-même, pris de panique, commencions déjà à renoncer mentalement à tout accès à notre salle de bains. La porte était inexplicablement verrouillée de l’intérieur avant notre premier brossage de dents que j’avais prévu pour vendredi. Armée d’un simple couteau de chasse qu’apparemment elle ne quitte jamais, Marilou a réparé la porte en une fraction de seconde, le front enduit de cambouis, avant de s’ouvrir une Heineken tiède d’un coup de dents et de claquer le cul de Bruno.
Mais comme elle, je déborde peut-être un peu trop d’enthousiasme : le festival n’a même pas vraiment commencé et je me sens débordé par une pulsion destructrice. Devant elle, deux bouteilles de rosé tombées d’un compartiment à glace particulièrement instable ont déjà capitulé. Tout comme mon front, entamé au sang par une rencontre fortuite avec le vaisselier de Jean-Marc, ou plus généralement avec le réel – il paraît que c’est ça, quand on se cogne. Le chaos et l’abîme m’appellent, je ferais mieux de ne pas me laisser avaler, de laver mon âme, comme toutes ces stars “hautement politiques” qui semblaient tout à fait convaincues d’avoir une influence positive sur la marche du monde lors de la cérémonie d’ouverture. Ou comme le youtubeur InThePanda que j’ai croisé coiffé d’une casquette brodée IN ART WE TRUST. Et si moi aussi je croyais en quelque chose ? Peut-être demain.
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