Le monde s’est arrêté ? Profitons du surplace pour faire l’amour, danser et boire 35 rhums au bar d’hôtel d’un pays lointain. Une belle enclave sensuelle et musicale.
De la pluie, du sexe, du danger. L’héroïne du nouveau film de Claire Denis connaît tout cela par cœur. Elle s’appelle Trish (Margaret Qualley), on sait d’elle très peu de choses, sinon son travail de journaliste sans piges et de prostituée coincée au Nicaragua en pleine pandémie. Passeport américain confisqué, perspectives bouchées, elle s’invente des lignes de fuite en attendant que le monde veuille bien se remettre à tourner rond, et ce n’est pas pour demain.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’un des premiers plans fixe ses jambes et donne le ton du film : à nous de suivre ses pas à la fois décidés et tremblants. Dans un bar d’hôtel nid d’espions, elle rencontre un businessman anglais et s’y frotte, d’abord pour des étreintes payées en dollars, ensuite pour vivre plus intensément une fuite sans scénario identifié.
Liberté arrogante
Adapté du roman éponyme de Denis Johnson qui racontait l’expérience difficile de l’auteur au Nicaragua au milieu des années 1980, mais situé dans la stase particulière de la pandémie, des tests PCR et des masques, Stars at Noon n’a pas l’ampleur de certaines œuvres récentes de Claire Denis, dont le magnifique High Life (2018) avec Robert Pattinson. L’acteur devait d’ailleurs tenir ici le premier rôle masculin, remplacé par Joe Alwyn qui peine à le faire oublier. Le film est aussi moins ciselé qu’Avec amour et acharnement (2022), qui suivait Vincent Lindon et Juliette Binoche dans un Paris pandémique et passionnel.
Mais ce qui lui manque ne le définit pas complètement. Nos désirs égarés et qu’on aimerait rattraper, voilà d’ailleurs son sujet profond. Le scénario d’espionnage vaporeux n’a pas de prise sur les peaux, que Claire Denis fixe comme des repères dans la nuit. Le monde s’est arrêté ? Profitons du surplace pour faire l’amour, danser, boire 35 rhums, jouir une fois de plus. C’est une femme qui nous le dit, les yeux dans les yeux. Stars at Noon exhibe sa liberté presque arrogante, dont elle voudrait nous offrir un morceau. On pénétrerait alors son cocon poisseux, son enclave sensuelle et musicale et son halo si contemporain.
Stars at Noon de Claire Denis, avec Margaret Qualley, Joe Alwyn (Fr., 2022, 2 h 17). En salle le 14 juin.
{"type":"Banniere-Basse"}