Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, ce premier film sur un jeune dessinateur de BD se ré-approprie avec talent les codes d’un certain cinéma indépendant U.S. du tournant 2010.
Faire en 2022 un pastiche des frères Safdie de 2008-2009 (The Pleasure of Being Robbed, Lenny and the Kids…), l’idée peut sembler étrange, voire carrément promise à un résultat en forme d’ersatz cotonneux et douceâtre des pires clichés de l’indie movie à tendance cocooning.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Funny Pages, qui reprend certes un certain filmage à l’épaule, une certaine lumière (en recrutant notamment Sean Price Williams, chef-op attitré d’Alex Ross Perry et des Safdie première période), mais aussi des thèmes (la famille, la folie, la création artistique) et des visages (on aperçoit très brièvement Buddy Duress, la gueule cassée de Mad Love in New York et Good Time) associés au mumblecore new-yorkais du tournant 2010, invente pourtant assez rapidement son propre territoire, sa propre folie, et touche donc très juste.
Chaos
Robert s’apprête à terminer son lycée et partir à la fac, au grand dam de son professeur d’arts plastiques, qui pense que son élève va gâcher son temps et son argent au lieu de poursuivre son destin de dessinateur, avec déjà un talent certain pour les cartoons violents et provocateurs. Mais la mort absurde et soudaine de ce mentor va jeter Robert dans le doute et la rébellion : il quitte le giron familial, le lycée, trouve une coloc miteuse et s’acoquine avec de drôles d’individus.
Le mouvement du film est un mouvement vers le bizarre et la folie, incarnés par plusieurs rencontres que le personnage va faire et qui agissent sur lui selon un phénomène d’attraction-répulsion, comme si franchir le pas vers cette étrangeté était la clé à la fois d’un bon talent au dessin (le réalisateur filme très bien la pulsion viscérale de dessiner, les visages difformes qui font naître une furieuse envie de caricature) mais aussi d’une existence bien vécue, acclimatée au chaos, à l’écoute des fous et des monstres. En résulte un film d’apprentissage en forme de doux cauchemar, qui, dans sa forme très concassée et tumultueuse, peut justement évoquer un de ces comics underground que le personnage vénère.
Funny Pages, d’Owen Kline, avec Daniel Zolghadri, Matthew Maher et Josh Pais, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au festival de Cannes. Sortie en salle prochainement
{"type":"Banniere-Basse"}