Pour L’Amant d’un jour, en lice à la Quinzaine, Philippe Garrel a fait appel aux deux jeunes actrices. Présentations.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire en voyant le nouveau film de Philippe Garrel, elles n’ont pas le même âge. L’une, Esther, a même cinq ans de plus que Louise, dont L’Amant d’un jour est le tout premier film. Esther est brune, pas très grande, avec de grands yeux tristes qui se ferment parfois en silence, alors qu’elle est plutôt gaie et parle avec une voix très juvénile. Elle me vouvoie.
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Louise est grande, blonde, vive, avec un regard qui rit, très enthousiaste. D’emblée, elle me tutoie. Elles sont un peu nerveuses, elles ont peur de dire des bêtises. Et je me souviens de ce que m’avait dit soudain Philippe Garrel d’une voix très douce, lors d’une interview où j’étais tétanisé : “Tout va bien, Jean-Baptiste.”
Un premier rôle imprévu
Malgré son jeune âge, Esther Garrel a déjà une longue filmographie. Fille d’un cinéaste (Philippe) et d’une actrice-metteur en scène (Brigitte Sy), sœur d’un acteur (Louis), petite-fille d’un acteur (Maurice), Esther est une enfant de la balle – “Philippe a toujours dit qu’on était comme une troupe de cirque.”
Sa première apparition au cinéma remonte à 2001. Elle a alors 10 ans et son père tourne Sauvage innocence. “Je ne jouais pas. J’étais en train de faire des dessins dans un coin du plateau, toute l’équipe était à quelques mètres, et tout d’un coup ils étaient en train de me filmer. Philippe aurait filmé n’importe quelle autre petite fille.”
« Dans la famille, il nous semblait presque naturel de pratiquer un art, quel qu’il soit. n parlait pas, même si Louis commençait à être connu »
Ado, même si elle adore le théâtre (encore aujourd’hui), elle entre au Conservatoire de musique.En fait, on n’e “On baignait quand même dans une ambiance particulière, dans la famille, il nous semblait presque naturel de pratiquer un art, quel qu’il soit. n parlait pas, même si Louis commençait à être connu. Mais tout s’est passé ainsi, aussi, parce que je les aime. Sinon, je serais partie faire autre chose ! J’étudiais le violon, j’apprenais le piano de mon côté, et puis le chant, l’orchestre aussi au Conservatoire.”
“C’est le directeur de casting de Christophe Honoré, continue-t-elle, qui m’a demandé de passer une audition pour La Belle Personne en 2008, j’avais 16-17 ans. C’est mon premier rôle. Et puis il m’a rappelée pour un autre film. Pourquoi j’ai arrêté la musique ? Je ne sais pas. J’ai toujours mon violon, mais il reste dans un coin (et elle rit).”
Audition à Saint-Germain-des-Près
Elle tourne aussi dans Mes copains, le court métrage de son frère. Puis les seconds rôles s’enchaînent, à partir de 2011 : chez Bertrand Bonello (L’Apollonide), Noémie Lvovsky (Camille redouble), Delphine Coulin (17 filles), Romain Goupil (Les Jours venus), Caroline Deruas (L’Indomptée), son père (La Jalousie) ou sa mère (L’Astragale). Même dans des petits rôles, elle ne laisse jamais indifférent.
Louise est, elle aussi, la fille d’une actrice. Elle vient du “Val-de-Marne”, comme elle le dit (Cachan, Arcueil). A 21 ans, elle est en dernière année (la troisième) du Conservatoire d’art dramatique. Elle sort tout juste des cours quand je la rencontre. Elle m’explique qu’elle a appris à y désapprendre ce qu’elle avait appris dans le théâtre amateur. A toujours chercher de nouvelles façons de jouer un texte, à ne pas le ramener forcément à soi.
La rencontre avec Philippe Garrel fut étonnante. Elle reçoit un jour un coup de téléphone qui lui propose de rencontrer le cinéaste. Elle accepte, connaissant déjà certains de ses films et les aimant. Rendez-vous à Saint-Germain-des-Prés. Esther est là aussi, Garrel voulait voir si elles pouvaient aller ensemble. C’était donc une audition… Mais le cinéaste hésite. Louise est un peu trop jeune pour le rôle de cette femme sûre d’elle qui enchaîne les amants avec assurance. Mais elle est finalement choisie. Elle a ensuite longuement travaillé avec Philippe Garrel pour “vieillir” un peu son personnage.
Dans la pièce voisine
Comme toujours chez Garrel, elles ont toutes deux, ainsi que les autres acteurs (dont le remarquable Eric Caravaca), longtemps répété le texte “à la table”, avant le tournage, où le cinéaste, fidèle à sa méthode, ne tourne que le minimum de prises. Elles racontent que Garrel, pour que chacun des deux personnages féminins sente en permanence la présence de l’autre même quand elle n’était pas là, leur demandait de demeurer dans une pièce voisine.
Depuis le tournage, Esther a joué dans deux autres films. L’un, Call Me by Your Name, présenté au festival de Berlin mais pas encore sorti en France, a été réalisé par l’Italien Luca Guadagnino, et l’autre est un film indépendant américain, Thirst Street de Nathan Silver. Louise, elle, a plutôt des envies de théâtre. Elle va mettre en scène une pièce écrite par un ami. Je les laisse partir, elles se sont dit qu’elles allaient profiter de l’interview pour dîner ensemble ensuite. Bonne route et bon Cannes !
L’Amant d’un jour de Philippe Garrel (Quinzaine des réalisateurs), en salle le 31 mai
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