Malick Palme d’or, les frères Dardenne et Nuri Bilge Ceylan à nouveau récompensés. Un palmarès moins inspiré que le Festival.
Il y a un an et demi, on pensait déjà que The Tree of Life serait l’événement de Cannes 2010. Finalement, le film n’était pas prêt et le nouveau Terrence Malick a attendu pour éclore lors de l’édition suivante du Festival. Comme si un tel film avait vraiment besoin de Cannes pour voir le jour.
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Le choix de la gestation lente a été payant et The Tree of Life a obtenu la Palme. Le paradoxe de cette consécration est d’être à la fois attendue et inattendue. Attendue parce que sur le papier, cela paraissait aller de soi que Malick ait la Palme. Le cinéaste est devenu peu à peu un des mythes les plus forts du cinéma contemporain (pour de bonnes –son immense talent– et de mauvaises raisons –le mythe un peu vieillot du génie dans sa tour, invisible et si rare).
Mais depuis la projection de son film, la Palme attendue semblait moins sûre. Le film a divisé, a désorienté une grande partie des festivaliers. Lui attribuer la Palme est finalement un geste assez fort, têtu, car The Tree of Life est un film qu’il faut aimer un peu malgré lui, en laissant tomber des scories –ce qui n’est pas non plus très difficile tant le génie de conteur de Malick, sa façon de raconter la vie d’un homme, la vie de l’humanité, par de tout petits prélèvements pointillistes, sont éblouissants.
La Palme à Malick n’était donc évidente que sur le papier, et, en regard de ce film un peu fou, à la fois magnifique et bancal, elle apparaît comme un choix assez fort.
Le reste du palmarès l’est beaucoup moins. Le dédoublement du Grand Prix du jury manifeste peut-être que cet éclectique jury a eu du mal à tomber d’accord. Probablement qu’un acteur américain qui n’a jamais vu un film des Dardenne peut être soufflé par Le Gamin au vélo –lequel peut sembler au contraire plutôt mineur pour un amateur du cinéma des deux frères.
L’enjeu à leur décerner une fois encore un prix majeur paraissait faible. Surtout pour l’accorder ex aequo à un cinéaste lui aussi multiprimé, et déjà lauréat d’un Grand Prix, le Turc Nuri Bilge Ceylan. Au moins, quoi qu’on pense de Drive (au choix très brillant ou très anecdotique ; peut-être les deux), le prix de la mise en scène à Nicolas Winding Refn fait preuve d’un goût de la découverte.
Mais c’est surtout en songeant aux absents que le palmarès paraît bien frustrant. Sur un versant un peu conformiste, on s’étonne de l’absence de deux dignitaires cannois, dont les nouveaux films pourtant semblaient avoir plu : Almodóvar et Kaurismäki.
Et sur un versant plus audacieux, l’absence du splendide Apollonide de Bonello est un véritable chagrin. Tout comme celle de Pater d’Alain Cavalier. Pater est de ces œuvres qui reformulent et déplacent l’idée qu’on se fait d’un grand film de festival. Décerner un prix majeur à cet objet très contemporain, à la fois maigre et très ample, à rebours de la façon dont le cinéma se pense et se produit, aurait été un geste aussi fort que la Palme l’an dernier à Oncle Boonmee. Dommage que le jury 2011 soit passé à côté.
Il y avait deux grands films français en compétition cette année. Le jury a choisi de récompenser les deux autres – Jean Dujardin pour The Artist, Maïwenn pour Polisse. Une décision forte néanmoins : offrir une place à Melancholia malgré la sortie de route aberrante de Lars von Trier en conférence de presse.
Les instances décisionnaires du Festival avaient choisi de disqualifier la personne mais pas son film. Le jury a usé pleinement de cette liberté pour soutenir son travail malgré tout. Et la récompense à Kirsten Dunst paraît tout à fait méritée. Un sentiment un peu mélangé domine ce palmarès, qui n’est pas tout à fait à la hauteur du Festival tel que nous l’avons vécu. Un très bon Festival.
Jean-Marc Lalanne
Le palmarès du Festival de Cannes 2011
Palme d’or
The Tree of Life de Terrence Malick
Grand Prix ex aequo
Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan
Le Gamin au vélo de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Prix de la mise en scène
Nicolas Winding Refn pour Drive
Prix du scénario
Joseph Cedar pour Footnote
Prix d’interprétation féminine
Kirsten Dunst dans Melancholia de Lars von Trier
Prix d’interprétation masculine
Jean Dujardin dans The Artist de Michel Hazanavicius
Prix du jury
Polisse de Maïwenn
Caméra d’or
Les Acacias de Pablo Giorgelli
Palme d’or du court métrage
Cross de Maryna Vroda
Prix du jury du court métrage
Badpakje 46 (Maillot de bain 46) de Wannes Destoop
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