Denis Lavant était présent au festival de CAnnes 2008 dans « Merde » de Leos Carax.
Réconcilié En quatre jours de Festival, trois cinéastes étrangers nous ont évoqué avec une émotion toujours vivace l’une des scènes les plus fameuses du cinéma français des eighties, issue de Mauvais sang, une séquence de course éperdue à la chorégraphie sauvage, parée de tous les atours du mythe – l’art alors adolescent d’un cinéaste qui se fait appeler Leos Carax, les saccades imparables du Modern Love de la hit-machine David Bowie, et puis une silhouette inédite, tout à la fois musculeuse et élancée, Denis Lavant. C’était en 1986. Les routes de ce trio miraculeux se recroisèrent cinq ans plus tard, le temps des Amants du Pont-Neuf, et puis se sont séparées pour de bon.
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Depuis, il avait fallu se faire à l’idée que Bowie était mortel, que Carax ne ferait peut-être plus de films, que Lavant demeurerait un acteur de cinéma trop rare et minoritaire. Les traits des uns et des autres se sont creusés, ainsi que les liens entre le cinéaste et l’acteur, échaudé par “le traumatisme du tournage des Amants, les trois plus belles années de [sa] vie passées à se clochardiser sur le Pont-Neuf, à se détruire, se dégrader, se balancer dans cette âpreté de la vie, dans une misère affective et morale, pour rendre vivace le personnage”. En seize ans, ils se sont à peine croisés quelques fois et c’est donc avec défiance que Lavant a reçu la proposition d’être du projet Tôkyô! pour la caméra de Carax, la même défiance qui nous fit croire que le réalisateur de Pola X, absent des écrans depuis une décennie, n’irait jamais au bout de cette entreprise.
Et pourtant, le film se tient désormais bien là, goguenard, revanchard, adressant au spectateur et au cinéma un propos fort bien résumé par son titre, “Merde”, qui est aussi le nom du personnage de Lavant, une créature des égouts à la barbe rousse et éparsement foisonnante, l’œil crevé, les ongles démesurés, la démarche claudicante et sculptée.
Sur le tournage tokyoïte, les deux hommes se sont retrouvés plus mûrs, plus évidents l’un pour l’autre. “Jusque-là, Leos avait toujours été quelqu’un de terrifiant pour moi. Mais je n’ai jamais envisagé de décliner le rôle, car c’est quelqu’un qui m’a changé dans ma vie et dans mon travail. Ce personnage qu’il m’a proposé, une sorte de clochard à l’attitude scandaleuse, a beau être le plus pur rôle de composition qu’il m’ait offert, il m’a permis un retour aux racines, à la fois celles de son cinéma et les miennes, là d’où je viens, le mime, le théâtre de rue, que j’ai pu remettre en activité via ce personnage de monstre provocant.” A ce nouveau rapport à celui qui le filme, enfin limpide et joyeux, où l’acteur ne se sent plus un alter ego, ni un simple outil, Denis Lavant donne un nom, “l’état de grâce”.
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