Deuxième semaine sur la Croisette. Où l’on retrouve nos cinq critiques, emballés par David Cronenberg et les Dardenne, énervés par Lars von Trier, charmés par Jim Jarmusch et plus encore par Hou Hsiao-hsien ou les frères Larrieu, et pas vraiment étonnés par un palmarès sans relief.
Placé sous le signe de la politique des auteurs cannois, ce Festival 2005 s’est beaucoup étalonné sur l’état de forme de ces grands maîtres adoubés par le passé sur la Croisette. Les uns furent à la hauteur de leur réputation (Gus Van Sant, David Cronenberg, les Dardenne, Hou Hsiao-hsien, Woody Allen, Jim Jarmusch), les autres légèrement en deçà (Atom Egoyan), et certains carrément hors course (Amos Gitai, Wim Wenders). Mais que leurs films soient réussis ou décevants, aucun n’a totalement surpris et perturbé son propre système ou l’attente du spectateur. De ce point de vue, on a assisté au défilé de griffes prévu, façon défilé de mode : le filmage liquide de Van Sant, l’humour distancié de Jarmusch, la caméra de guerre des Dardenne, les plans-séquences voluptueux d’Hou Hsiao-hsien, la sécheresse de Cronenberg, etc. Du côté des nouveaux noms et des sélections parallèles, peu de chocs comparables à la découverte d’Apichatpong Weerasethakul, mais quelques jolies rencontres (Vimukthi Jayasundara, Caméra d’or) ou confirmations (João Pedro Rodrigues, Carlos Reygadas, Im Sang-soo).
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Côté thématique, le père a encore beaucoup d’avenir, le motif de la filiation traversant nombre de films (A History of Violence, Don’t Come Knocking, Broken Flowers, L’Enfant…). On a aussi vu pas mal de films (bons ou mauvais) touillant la question problématique du rapport à l’autre, que ce soit au niveau intime, historique ou politique : Cronenberg sonde le retour du refoulé et la violence tapie dans les entrailles de l’Amérique à la surface si rassurante, Haneke porte le fer dans la plaie des relations entre Français et Maghrébins, les Dardenne interrogent ce que devient la morale élémentaire dans des conditions de précarité, Rithy Panh fouille inlassablement la mémoire meurtrie du génocide cambodgien…
Nous vivons dans le monde de l’après-11 Septembre, le monde globalisé de George Bush et Ben Laden, un monde de violence et de retour de barbarie, un monde où la peur et l’insécurité dominent les esprits, un monde où peut-être, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’homme entrevoit sa fin possible. Les cinéastes présents à Cannes ont pris conscience de cet ordre des choses pour le meilleur et le pire (artistiquement parlant), faisant du Festival un sismographe de la psyché planétaire.
Loin des graves soubresauts du monde, les Larrieu braquent leur caméra sur le désir, la sensualité, la douceur d’une bulle de bonheur sans tabou. Comme si les deux frères ramenaient les grandes utopies des années 60 dans le cocon intime de la chambre à coucher. Peindre ou faire l’amour fut le plus renoirien des films présentés à Cannes et nous fit l’effet d’un grand courant d’air frais aussi nécessaire que régénérant.S.K.
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