Quinzaine des réalisateurs.Tournant désormais un film par an, Amos Kollek aurait-il l’intention de devenir le Woody Allen trash, après avoir plongé dans les affres du stupre et de la déréliction ? Cette tendance se sentait déjà un peu avec son précédent Fast food, fast women, encore brinquebalant. Ici, le cinéaste israélien, tout en raffermissant son […]
Quinzaine des réalisateurs.
Tournant désormais un film par an, Amos Kollek aurait-il l’intention de devenir le Woody Allen trash, après avoir plongé dans les affres du stupre et de la déréliction ? Cette tendance se sentait déjà un peu avec son précédent Fast food, fast women, encore brinquebalant. Ici, le cinéaste israélien, tout en raffermissant son registre comique, en l’approfondissant, donne un indice de ce désir de concurrencer sur son propre territoire le binoclard plaintif de la comédie new-yorkaise. Il s’agit d’un tout petit détail : un air jazzy à la clarinette vers le début du film.
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Cela dit, Kollek n’est pas (du tout) Allen. Peu soucieux de la forme, très cru, foncièrement scabreux, le film appelle une chatte une chatte, met en scène un couple du troisième âge organisant des parties SM pour richards de la banlieue huppée…
Comme dans Fast food…, Kollek entrecroise les trajectoires de New-Yorkais lambda et attend de voir un peu ce qui se passe. En gros, on retrouve la même typologie sociale et la même quête de l’amour et du sexe, et quasiment les mêmes acteurs que dans Fast food…
Sauf Anna Thomson, déchue provisoirement ou non du statut d’égérie kollekienne, qui est remplacée par une jeunesse, Valerie Geffner, qui incarne Queenie, alias Bernice, une fille de milliardaire qui vit dans la zone downtown d’Alphabet City et joue à l’artiste : elle tente laborieusement de devenir actrice. Elle est très bien, cette fille déjantée, paumée, mais aussi joyeuse. Pourtant, elle n’est pas réellement le centre névralgique du film. Le centre, c’est Horace (formidable Victor Argo), vieux flic célibataire téléguidé par son psy libidineux. On ne peut que voir, dans cet homme solitaire et dépressif qui louche sans grand espoir sur les jeunes femmes, un autoportrait de l’artiste vieillissant, Amos Kollek lui-même.
Autour de ce fantasme ordinaire mais douloureux, le cinéaste met en place une hilarante ronde gérontophile, où la provocation permanente, la volonté de faire voler en éclats les inébranlables (hum) tabous sur la sexualité du troisième âge (les parties SM, la relation entre Horace et Queenie qui demande, mi-goguenarde, au vieil homme de la cunnilinguer dans un bar) sont transcendées par la tendresse, par la transfusion d’un sang neuf dans des veines malades.
On est comme Queenie : quand ce vieux garçon neurasthénique d’Horace se métamorphose en prenant une guitare et en chantant comme Johnny Cash, on a envie de le prendre dans nos bras…
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Valerie Geffner, actrice dans Queenie in love
Dans le nouvel Amos Kollek, la mauvaise nouvelle, c’est qu’il n’y a pas Anna Thomson. Mais la bonne, c’est qu’il y a Valerie Geffner. Tous ceux qui ont vu le film savent qu’une étoile est née.
On pouvait déjà repérer Valerie en strip-teaseuse dans le précédent Kollek, Fast food, fast women, mais ici, dans le rôle de Queenie, elle explose littéralement. C’est le genre de fille qui n’a pas peur d’en faire trop : dès les premières secondes de l’entretien, elle accapare violemment votre attention, votre bras, votre regard, vous empêchant de voir autre chose qu’elle. « J’adore être interviewée parce que vous vous partagez : j’adore qu’on m’aime et qu’on me célèbre. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas envie moi aussi d’aimer et de célébrer les autres. Au contraire : montrons-nous que nous portons de l’intérêt les uns pour les autres. Si un type me mate le cul dans le métro, je me tourne de façon à ce qu’il le voie mieux, j’apprécie le compliment. »
Valerie Geffner, haute en couleur, est constamment sur la brèche : « Depuis toujours, ce qui m’éclate, c’est la performance. Avec mes potes, on s’écrit des trucs entre café-théâtre et concert, et on va jouer ça à minuit dans de toutes petites salles. C’est tellement bon ! J’adore la performance : je suis un caméléon, et je veux pouvoir jouer avec toutes mes couleurs. » Pour structurer cette énergie débordante, Valerie a suivi les cours de la Julliard School : « Pendant quatre ans, j’ai travaillé Shakespeare, Tchekhov et compagnie : ça m’a aidée à dépasser la peur. Quand je suis sortie de l’école, j’avais confiance en moi, j’étais prête. » Quant à ceux qu’elle fatiguerait (elle parle beaucoup et très fort), Valerie n’en a cure : « Je ne veux travailler qu’avec des gens qui ont très envie de travailler avec moi, qui ont envie de me dévorer. Alors, ça peut décoller. » Et Valérie se lève pour aller prendre son dix-septième bain de la journée : « A New York, je n’ai qu’une douche, alors j’en profite. »
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