Quinzaine des réalisateurs. Une douzaine de personnes sont réunies au fond d’un ravin. Filmées en de longs plans-séquences fixes, par groupe de deux ou trois, debout le plus souvent et parfois assises, elles déclament un texte magnifique d’Elio Vittorini. Le dispositif est indubitablement straubien : Operai, contadini (Ouvriers, paysans) rejoint leur série de « films en […]
Quinzaine des réalisateurs.
Une douzaine de personnes sont réunies au fond d’un ravin. Filmées en de longs plans-séquences fixes, par groupe de deux ou trois, debout le plus souvent et parfois assises, elles déclament un texte magnifique d’Elio Vittorini. Le dispositif est indubitablement straubien : Operai, contadini (Ouvriers, paysans) rejoint leur série de « films en toge », à ceci près que les personnages sont ici vêtus de vêtements banalement contemporains.
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L’image est, comme toujours chez les Straub, splendide de matérialité sensuelle. On pourrait presque toucher les ombres et lumières de ce ravin, humer ses odeurs. Le film est aussi affaire de son, de parole et de langue : c’est une longue scansion, entre la prière et la harangue, dans une langue merveilleuse de rythme et de musicalité. C’est dans le texte que se niche tout le hors-champ du film, toute l’action et l’intrigue que l’on ne voit pas à l’image.
Ces ouvriers et ces paysans se battent au sortir de la guerre contre la misère, la famine, le froid terrible de l’hiver qui vient. Faut-il quitter les lieux pour trouver refuge à la ville (désir des ouvriers) ou au contraire rester et attendre une aide extérieure (souhait des paysans) ? Là-dessus se greffent entre les deux groupes des liens d’amitiés, d’amour, de trahisons, des histoires sentimentales… Les Straub interrogent tout simplement l’idée de communauté : ce qui la rassemble et ce qui la divise, sur le plan intime et sur le plan politique et social, le tout étant inextricablement imbriqué.
Du cinéma ardu, exigeant, certes, mais aussi magnifique de générosité et de radicalité, du cinéma de lutte, fier et debout. Dans le contexte pailleté de Cannes, c’est aussi, à l’instar du film de Lanzmann, un magnifique exemple de contre-programmation nécessaire et salutaire.
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