Sélection officielle. Après la désastreuse présentation de Code inconnu l’année passée, et celle plus réussie de Funny games il y a cinq ans, Michael Haneke revient à Cannes, et il n’est toujours pas content. Adapté d’un roman célèbre d’Elfriede Jelinek, La Pianiste a provoqué le premier chahut du Festival, comme on pouvait s’y […]
Sélection officielle. Après la désastreuse présentation de Code inconnu l’année passée, et celle plus réussie de Funny games il y a cinq ans, Michael Haneke revient à Cannes, et il n’est toujours pas content.
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Adapté d’un roman célèbre d’Elfriede Jelinek, La Pianiste a provoqué le premier chahut du Festival, comme on pouvait s’y attendre tout est donc normal. Plus intéressant que le précédent car plus incarné et (un peu) moins démonstratif, le film exaspère le plus souvent et impressionne parfois. Les intentions sont lourdes, et lourdement étalées : montrer le fossé entre un univers musical infiniment subtil et les frustrations phobiques qui en découlent, jusqu’au sang.
Professeur de piano dans un grand conservatoire viennois, Erika Kohut (Isabelle Huppert) vit toujours avec sa vieille mère (Annie Girardot), d’une possessivité qui confine à la folie furieuse, tandis que le père pourrit dans un hôpital psychiatrique, ce qui se comprend quand on voit ces deux malades… Toute expression de désir niée, Erika fréquente les cabines des sex-shops, où elle renifle des Kleenex trempés de sperme, et fantasme stérilement une relation sadomasochiste. Odieuse avec ses élèves, d’une dureté qui reproduit la relation qu’elle entretient avec sa mère, son vernis craque quand elle s’amourache d’un jeune pianiste (Benoît Magimel), aussi brillant que désinvolte.
Avec un récit pareil, Haneke est à l’aise pour déployer son regard de clinicien et matraquer sa thèse principale : l’humanité qui sert des génies tels que Bach ou Schubert est tarée, d’une froideur sociétale à la mesure du frémissement sensuel de la musique qu’elle interprète. Bon. Si certaines séquences finissent par nous faire rendre les armes, tant Haneke sait installer une durée malaisante et des dispositifs de filmage qui servent efficacement son propos (en particulier pour les scènes sexuelles, qui agissent comme du bromure), le film n’échappe pas aux deux écueils, habituels chez Haneke, que sont le psychologisme et la performance.
Epinglés comme des papillons souffrants, les personnages n’ont aucune chance d’échapper à la thèse qui les enserre. Tous épouvantables de noirceur givrée, ils s’agitent sous le regard de la caméra comme des rats de laboratoire. C’est désagréable, ce qui est le but recherché, mais c’est surtout lassant, et carrément pénible quand Huppert et Girardot en rajoutent encore sur le versant de la performance.
Le film se réchauffe alors et devient presque burlesque, d’un comique pathétique et involontaire (?) qui le fait ressembler à quelque chose comme du De Funès autrichien.
Une fois « l’audace » assimilée par le spectateur, que plus rien n’étonne tant toutes les outrances s’additionnent jusqu’à leur annulation pure et simple, c’est l’ennui qui s’installe, un ennui d’autant plus épais que le film est long (2 h 10, quand même) et si répétitif qu’il en devient absurde. Et les défauts propres à un « euro-pudding » (c’est une coproduction franco-autrichienne), comme le doublage hallucinant de médiocrité des comédiens autrichiens, s’ajoutent au reste pour faire de La Pianiste un film aussi boursouflé qu’indigeste.
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