Noémie Lvovsky signe un cinquième film qui redouble de finesse et de charme.
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« Oublie-moi”, réclamait comme une supplique le premier long métrage de Noémie Lvovsky. “Souviens-toi !” semble enjoindre son nouveau film, tel un écho à ce vers entêtant de Baudelaire dans L’Horloge.
L’horlogerie d’une vie humaine, c’est dans le film ce qui se dérègle, avec d’autant plus d’affolement que l’horloger illuminé n’est nul autre que le grand Jean-Pierre Léaud.
Les aiguilles s’emmêlent et après avoir perdu connaissance, la quadragénaire Camille se réveille le 1er janvier 1985, teen again, ramassée à l’hôpital après une boum trop arrosée par ses parents à peine plus âgés qu’elle.
Le film devient alors une comédie ravageuse entièrement fondée sur le décalage entre l’ordinaire d’une vie d’ado et l’extraordinaire de la perception qu’en a cette quadra magiquement téléportée dans son passé.
Cette petite dissociation entre un fait et une réaction n’est pas neuve chez Noémie Lvovsky. L’interprétation de Valeria Bruni Tedeschi dans Oublie-moi était déjà entièrement régi par ce type de hiatus : elle riait sans raison dans
des moments graves, pleurait soudainement sans explication.
Ici, le scénario justifie ce léger dérèglement perceptif. Les parents de Camille l’engueulent et, toute à la joie de les avoir retrouvés, elle voudrait les couvrir de baisers. Son mec la drague et elle le met plus bas que terre, encore meurtrie que, bien plus tard, il l’ait larguée…
Un peu folles, telles sont souvent les filles dans les films de Noémie Lvovsky, et l’ingénierie dramatique de Camille redouble, en nous faisant partager son recul, nous rend comme jamais complices des humeurs pour tous fantasques de Camille.
Si le récit de Camille redouble épouse pour beaucoup les courbes de celui de Peggy Sue s’est mariée, le film subvertit en douceur sa morale. Dans le film de Coppola, le détour par le passé permettait à Peggy Sue de sauver son couple et flattait au passage son ego d’amoureuse (métamorphoser en flirt d’une nuit un garçon qui ne l’avait jamais calculée).
La fin ouverte de Camille redouble ne promet aucun miracle. Du passé, Camille n’arrache presque rien, juste une petite sensation maternelle et proustienne volée à ce que le temps défait.
La petite trace enregistrée d’une chose banale mais qui n’a plus de prix dès qu’elle s’est évanouie, un doudou affectueux face aux limbes. Ce gain infime, après un tel chambardement cosmique, c’est ce qui rend in fine le film bouleversant.
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