Le projet à l’origine de Cameleone était plutôt une excellente nouvelle pour tous les amateurs de cinéma de genre, catégorie mise en jachère en France depuis la mort de Melville, délaissée par ses anciens glorieux serviteurs (Chabrol, Godard ou Corneau…), et peu prisée par les jeunes cinéastes, majoritairement sous influence Pialat ou Rohmer plus ou […]
Le projet à l’origine de Cameleone était plutôt une excellente nouvelle pour tous les amateurs de cinéma de genre, catégorie mise en jachère en France depuis la mort de Melville, délaissée par ses anciens glorieux serviteurs (Chabrol, Godard ou Corneau…), et peu prisée par les jeunes cinéastes, majoritairement sous influence Pialat ou Rohmer plus ou moins bien digérée. Benoît Cohen, François Guérif et leurs collaborateurs reprenaient donc les choses là où le Série noire de Corneau les avait laissées, il y a déjà une vingtaine d’années : faire du film noir à la française, en essayant d’esquiver ou de pervertir les clichés du genre, en intégrant le contexte social contemporain, en privilégiant la captation d’une sensation, d’un parfum, d’un pouls urbain et nocturne.
Malheureusement, le scénario de Cameleone se limite à l’agitation de quelques données basiques du genre : une femme fatale, un flic solitaire et désenchanté, quelques meurtres, un flingue baladeur, un bistrot et, pour faire bonne mesure, deux figures américaines pour authentifier la filiation mythique Seymour Cassel, vieux compagnon de Cassavetes, et Eddie Bunker, trogne parcheminée, ex-taulard au long cours et néanmoins écrivain de première bourre. Il est dommage que Cohen utilise ces deux natures uniquement pour faire de la figuration pittoresque ou renforcer les poncifs de l’artiste américain exilé à Paris, noyant sa nostalgie de New York dans la peinture, les petites femmes, le vin rouge et le pot-au-feu… La minceur du scénario ne serait pas grave du tout si Cohen était un cinéaste d’envergure, mais n’est pas Cassavetes (ou Claire Denis) qui veut et il ne suffit pas de filmer les petits bistrots et les rues de Paris aux heures avancées de la nuit pour créer un univers fort et cohérent : les acteurs sont plus ou moins en roue libre, certaines scènes sont trop étirées ou pas dans le bon tempo, le film manque de dynamique, de pulsation interne, semblant parfois tourner en rond et s’affaisser sur lui-même. De ce projet sympathique mais raté on retiendra quand même quelques répliques qui font mouche çà et là, et puis les acteurs, même si livrés à eux-mêmes : Chiara Mastroianni qui élargit son registre, Antoine Chappey, décidément remarquable et sous-utilisé au cinéma, sans oublier l’inévitable Berroyer, toujours aussi drôle, lunaire et chiffonné, mais qui révèle ici une dimension inquiétante, un potentiel de folie noire insoupçonné. Tout cela est très bien, mais insuffisant pour faire tenir un ensemble qui reste trop velléitaire et approximatif.
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