Les aventures d’un conquistador adopté par une tribu indienne. Du Herzog ibérique.
Les aléas de la distribution ont retardé de presque vingt ans la sortie française de ce film, dont la première vertu est de nous enseigner un pan méconnu de l’histoire coloniale.
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Nous sommes au milieu du XVIe siècle, à l’époque des conquistadors. Voulant gagner la Floride, une expédition espagnole se fait massacrer par les Indiens, six cents hommes y laissant leur vie, transpercés par les flèches. Une poignée de survivants échoue finalement en Louisiane, avec à leur tête Alvar Núñez, trésorier de l’expédition, dit “Cabeza de Vaca” (tête de vache). Depuis la Louisiane, ils vont errer vers l’ouest, de part et d’autre de ce qui sera la frontière américano-mexicaine, au gré de leurs rencontres avec les tribus indiennes.
Plutôt que s’entêter dans la confrontation, Núñez va petit à petit apprendre la culture indigène, puis l’adopter, devenant guérisseur, et le seul conquistador de l’histoire passé côté indigène. C’est cette équipée initiatique soustendue par un éloge de l’altérité et une critique des conquêtes impériales que raconte Nicolás Echevarría.
Si les premières scènes du film laissent entrevoir un film d’aventures à grand spectacle, c’est une fausse piste. Cabeza de Vaca est dominé par des scènes intimistes avec peu de personnages, des décors naturels, un montage long, charriant une force d’incarnation et une vérité de nature quasi documentaire, ce qui est logique puisque Echevarría venait du documentaire avant de tournercette première fiction.
On est plus proche de la vision d’un Werner Herzog ou du cinéma ethnographique que d’une fresque hollywoodienne avec sa dimension plus ou moins prononcée de kitsch et d’artificialité, même si la thématique fait penser à Danse avec les loups de Kevin Costner. Les scènes de guérison et de chamanisme sont particulièrement saisissantes. Le paradoxe de ce rendu vériste est que Cabeza de Vaca est une fiction à budget important.
Au poste maquillage, on retrouve d’ailleurs Guillermo del Toro, future star du cinéma hispanique. Echevarría et son équipe ont trouvé le juste équilibre entre le spectacle et sa mise au service du sujet et des personnages. Dans la dernière partie, Núñez et ses compagnons sont retrouvés par une autre expédition espagnole. Le personnage s’est complètement attaché à sa nouvelle famille indienne tout en prenant pleinement conscience de la sauvagerie de son pays d’origine, tel un hippie bien foncedé qui refuserait de retourner bosser à la banque.
Le vrai Núñez a fini par rentrer en Espagne, publiant ses rapports ethnographiques, puis s’éteignant à Séville en 1559. Quand à Nicolás Echevarría, on n’en a plus entendu parler, du moins de ce côté des Pyrénées. Raison de plus pour découvrir cet objet filmique non indentifié bienvenu : malgré ses 20 ans, sa beauté singulière et son propos sont sans âge..
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