On a appris la nouvelle une serviette de bain sur l’épaule, en chemin pour la plage. Bernadette Lafont nous a quittés. La fiancée du cinéma, telle qu’elle s’était joliment baptisée dans son autobiographie – en hommage à La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan (1969) –, est partie au coeur de l’été, rendant plus lourdes […]
On a appris la nouvelle une serviette de bain sur l’épaule, en chemin pour la plage. Bernadette Lafont nous a quittés. La fiancée du cinéma, telle qu’elle s’était joliment baptisée dans son autobiographie – en hommage à La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan (1969) –, est partie au coeur de l’été, rendant plus lourdes encore ces journées de canicule. Quoi de plus naturel pour une actrice qui, bien que très brune, demeurera une des plus solaires du cinéma français, véritable coup de chaud dans la prude France de la IVe République finissante ?
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Une fille qui s’exhibe au soleil du Midi, c’est comme ça que la France la découvre (Les Mistons de Truffaut, 1958). Une dame en robe d’été et chapeau de paille qui essaie de mettre au pas des ados têtues dans la lumière aveuglante d’un été aux abords des grands lacs suisses, c’est comme ça que la France l’aimera encore dans son plus grand succès des années 80 (L’Effrontée de Claude Miller). Elle avait ce don rare d’inscrire son nom sur les plus hauts frontispices de l’avant-garde (Le Révélateur de Garrel, Out 1 de Rivette, La Maman et la Putain d’Eustache) tout en touchant le coeur du plus grand nombre depuis ses débuts chabroliens (Le Beau Serge, Les Bonnes Femmes). Encore récemment, Prête-moi ta main (2006), où, vingt ans après leurs chamailleries effrontées, elle retrouvait Charlotte Gainsbourg, ou le succès surprise Paulette (2013) lui valaient les faveurs du public.
De façon incompréhensible, cet enracinement populaire durable n’a pas suffi à convaincre TF1 ou France Télévisions de diffuser un de ses films à l’occasion de sa mort. Seuls Arte, le câble ou la TNT ont fait leur boulot. La télévision hertzienne ne sait vraiment plus aimer le cinéma. Quant à nous, nous continuerons à aimer Bernadette Lafont, sa carnation de brunette, sa grande bouche, sa gouaille à la fois titi et méditerranéenne (nîmoise exactement), sa drôlerie sexy à la Jane Russell (revoir Zig Zig avec Catherine Deneuve, inattendue variation autour des Hommes préfèrent les blondes). Lumineuse et chaude comme un été sans fin.
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