Cinquante ans après sa disparition, on rend hommage à l’acrobate burlesque au visage triste et rival de Chaplin, Buster Keaton, qui fut foudroyé par le cinéma parlant.
Lorsqu’il présenta à la télévision Le Mécano de la Générale (1926), le grand film de Buster Keaton sur la guerre de Sécession, Orson Welles décerna à l’homme au visage de pierre le titre de “plus grand clown de l’histoire du cinéma”, minimisant par la même occasion le talent de Chaplin. De son côté, le grand historien du cinéma Kevin Brownlow déclare que La Maison démontable, première réalisation de Keaton, est “le Citizen Kane des films en deux bobines”.
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Keaton fut un wonderboy, une star précoce qu’Hollywood laissa choir brutalement après l’avoir hissée au firmament. Dès l’âge de 38 ans, il fut rétrogradé au second plan, réduit à des petits rôles, alors qu’il avait été un des grands auteurs du muet. Cinquante ans après sa mort (1966), la télé française lui rend hommage.
D’une part, dans la série des Duels de France 5, avec le documentaire Chaplin-Keaton – Le clochard milliardaire et le funambule déchu, où l’on examine la rivalité des deux maîtres du burlesque muet, qui n’eurent qu’un seul concurrent de leur calibre, Harold Lloyd.
D’autre part, avec une programmation spéciale sur Arte du 5 au 12 février, qui comprend un florilège de courts métrages, un long (Le Mécano de la Générale), une émission (Court-circuit spécial Keaton) et un documentaire (Buster Keaton – Un génie brisé par Hollywood).
S’il n’y eut pas de rivalité ouverte entre Keaton et Chaplin, tout les opposait. Comme l’explique le comédien Jos Houben dans le premier documentaire, l’art de Chaplin est fondé sur le conflit ; Keaton, lui, reste énigmatique, neutre. Chaplin conflictuel, donc politique, est un commentateur social ; Keaton, lui, est une monade ballottée par les éléments. C’est un acteur élastique, existentiel, dont le génie s’exprime par son interaction physique avec le monde.
Un comique cosmique. Jamais il ne compose. Il truque peu, et paie de sa personne, accomplissant toujours lui-même, au péril de sa vie, les plus folles cascades. Si, pour La Ruée vers l’or, Chaplin reconstitua les frimas du Klondike en studio, Keaton, lui, tourna la guerre de Sécession en décors naturels avec un budget conséquent.
Les deux compères furent frappés de plein fouet par l’arrivée du parlant. Chaplin négocia le tournant mieux que Keaton, qui signa avec la MGM et perdit toute autonomie. Sa créativité s’en ressentit durement et sa carrière plongea. Mais Chaplin n’oublia pas son vieil adversaire. Dans les années 1950, il lui tendit la main en lui offrant un rôle de clown émouvant dans Les Feux de la rampe.
Chaplin-Keaton – Le clochard milliardaire et le funambule déchu documentaire de Simon Backès. Jeudi 4, 22 h 15, France 5
Buster Keaton – Un génie brisé par Hollywood documentaire de Jean-Baptiste Péretié. Dimanche 7, 22 h 50, Arte
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