Le cinéaste turc Emin Alper nous propulse au cœur d’un brûlot politique d’une redoutable puissance allégorique.
Frappant dès son premier long métrage (Derrière la colline, 2012) par son épure contemplative composée de plans au cordeau néo-western hérités directement de son compatriote Nuri Bilge Ceylan, le cinéma du Turc Emin Alper n’a depuis cessé d’ajouter couche par couche dans sa filmographie une stylisation du cauchemar qui déborde de plus en plus de son cadre.
De la première à la dernière image, Burning Days progresse ainsi comme une lente hallucination, hélas bien bâtie sur la réalité sociopolitique de son pays. Comme un malaise tenace qui flotte dans l’air et envahit progressivement tout son espace, le film met en scène dans un sardonisme aussi glaçant que savoureux, avec l’arrivée puis la confrontation d’un procureur de la ville qui entre en fonction dans un petit village de province pétri de traditions.
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Chronique d’un pays malade
C’est toute l’incompréhension entre deux mondes qui entrent alors en collision et qu’Alper scrute avec minutie et humour, avant de basculer dans un enfer des plus suffocants sur la corruption, la misogynie et l’homophobie. Volontairement plus outrancier et éminemment métaphorique, le film met en scène des immenses dépressions géologiques qui engloutissent des terrains entiers, qu’il révèle comme stigmate et allégorie évidente d’un pays qui ne parvient pas à sortir de l’abîme. Ce qu’il perd en subtilité dans cette seconde partie, il le gagne en force politique en dépeignant avec une véritable maîtrise atmosphérique le mal poisseux qui se répand dans les moindres recoins.
Un mal qui a poursuivi Burning Days jusqu’à sa sortie, lorsque le gouvernement turc l’a accusé de “propagande LGBT” et que le ministère de la Culture a réclamé le remboursement des soutiens financiers alloués au film. Malgré la haine aveugle demeure toutefois un espoir, cristallisé par le grand succès du film dans son pays. C’est également la première fois que le cinéaste propose un horizon plus heureux dans sa conclusion. Par une image spectrale finale, Burning Days se met à croire que son pays sortira enfin un jour du gouffre. Est-ce un songe ou une prédiction ?
Burning Days d’Emin Alper, en salle le 26 avril.
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