Scarlett déesse du transhumanisme, Catherine Deneuve en reine des perversions, une ressortie de la série animée culte « Il était une fois… la Vie », un film rare de Kurosawa et un docu sur les coulisses de l’Opéra de Paris, à chacun de trouver son bonheur dans notre top 10 des sorties DVD du mois.
Ghost in the Shell de Rupert Sanders, 2017 (Paramount)
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Celles et ceux qui auraient raté la sortie de l’adaptation du manga culte de Masamune Shiro disposent dès à présent de plusieurs options ; d’une édition DVD classique au Bluray 4K en passant par une élégante édition spéciale assortie de 41 min. de bonus. Malgré les libertés prises par rapport à l’oeuvre originale et une simplification toute hollywoodienne des enjeux idéologiques du manga, ce Ghost in the Shell figure parmi les blockbusters les plus aboutis qu’il vous sera donné de voir cette année. Dans un futur de moins en moins éloigné, des totalitarismes technocratiques se livrent à une course à l’armement incarnée par Major, une super espionne mi-humaine, mi-robot, en proie à une profonde crise existentielle. Portée par des effets spéciaux des plus réussis et l’envoutante bande-son de Kenji Kawai, Scarlett Johansson y est sublime en déesse du transhumanisme à la sauce cyberpunk.
Soudain l’été dernier de Joseph L. Mankiewicz, 1959 (Carlotta)
Les pièces de Tennessee Williams ont donné lieu à de nombreuses adaptations cinématographiques, dont les chef d’oeuvres Un tramway nommé désir d’Elia Kazan (1951), La Chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks (1958), L’homme à la peau de serpent de Sydney Lumet (1960) ou encore La Nuit de l’iguane de John Huston (1964). Il faut ajouter à cette liste Soudain l’été dernier de Joseph L. Mankiewicz qui ressort ce mois-ci en copie restaurée 4K chez Carlotta. Drame psychanalytique ayant pour cadre une Nouvelle-Orléans aux accents gothiques, le film est construit autour du mystère qui entoure la mort de Sebastian, le fils d’une riche propriétaire (Katharine Hepburn). La mère endeuillée fait appel à un docteur (Montgomery Clift) réputé pour sa pratique de la lobotomie. Elle désire en effet que ce dernier lobotomise sa nièce (Elizabeth Taylor), présente au moment de la mort de son fils et internée en psychiatrie depuis le drame. Allégorie d’un Hollywood en fin de cycle et au bord de la décadence, Soudain l’été dernier donne l’impression d’un film halluciné où le symbolisme de Mankiewicz fait rage, où l’érotisme du corps d’Elizabeth Taylor côtoie la beauté fanée de Katharine Hepburn et les regards emplis de mal-être de Montgomery Clift. Chacun des membres de ce trouple infernal semblent tour à tour atteint d’une fièvre de démence et portent en eux le deuil d’une idée du sublime que finira de balayer le Nouvel Hollywood dix ans plus tard.
L’Autre côté de l’espoir d’Aki Kaurismaki, 2017 (Diaphana)
Après une pause de six ans, le réalisateur finlandais de 60 ans est de retour avec L’Autre côté de l’espoir. Fable bienveillante récompensée par un Ours d’argent de meilleur réalisateur à la dernière Berlinale, le film est le lieu d’une rencontre en plein faubourg d’Helsinki, celle d’un immigré syrien et d’un vieux représentant de commerce qui désire changer de vie. Quand la demande d’asile du réfugié est rejetée, le vieil homme le prend sous son aile. A l’instar de son titre, ce nouveau film de Kaurismaki opère un déplacement des habituelles représentations des migrants. Cocasse et caractérisé par l’habituel style du réalisateur fait d’aplats de couleurs froides et de théâtralité, il s’empare avec douceur des plaies du monde en appuyant tant sur le burlesque des situations que sur un profond élan humaniste.
Belle de jour de Luis Bunuel, 1967 (Studiocanal)
A l’occasion de son cinquantième anniversaire, l’un des plus grands films français (et espagnol) de l’histoire est ressorti il y a quelques semaines en salle et en copie restaurée, le voici maintenant en DVD et Bluray. Adapté du roman de Joseph Kessel, le film est centré sur le personnage de Séverine (Catherine Deneuve, glacée et subtilement hautaine, dans un de ses plus grands rôles à seulement 23 ans), épouse d’un brillant et (trop?) charmant médecin et femme au foyer. Malgré un bonheur de surface, Séverine est sexuellement insatisfaite, son apparente frigidité cache un inconscient en proie à un inavouable et puissant désir d’être souillée. Quand elle apprend l’existence d’une maison close, Séverine va finir par s’y rendre et devient Belle de jour. Lion d’or à Venise en 1967, le film est, en plus d’une attaque contre les conventions bourgeoises, le portrait d’une sexualité féminine capable de définir les propres conditions de sa jouissance. Le film qui n’a rien perdu de son charme subversif et de sa beauté surréaliste vaut aussi pour ses personnages secondaires, tous remarquables, notamment un Michel Piccoli drolatique en pervers assumé, un Pierre Clementi inoubliable en dandy gangster, une Françoise Fabian inattendue en putain, l’irrésistible égérie bunuelienne Muni dans le rôle de la femme de ménage du bordel et enfin l’humoriste Francis Blanche dans le rôle du sympathique habitué de la maison close. En plus d’une copie restaurée, le DVD est assorti de nombreux bonus dont une masterclass du réalisateur et un commentaire audio du film de Peter W. Evans, expert du cinéma espagnol.
Intégrale Il était une fois… la Vie d’Albert Barillé, 1987 (Sony Music Video)
Série culte pour la jeunesse apparue à la fin des années 80, Il était une fois… la Vie, sous titrée La Fabuleuse histoire du corps humain, aura marqué des générations entières. Comme ses cousines Il était une fois… l’Espace et Il était une fois… l’Histoire, cette série animée rend accessible des connaissances complexes en ayant recourt à une habile vulgarisation faite d’une grammaire de personnages bien établie. Il était une fois… la Vie s’attaque donc au fonctionnement du corps humain en personnifiant chaque agent composant ou influant notre organisme ; les enzymes en petits ouvriers, les hormones en robots propulsés, les plaquettes en personnages ronds et rouges à quatre bras et deux jambes, les graisses en petits dinosaures, les virus en petits vers jaunes à cornes et les médicaments en soldats armés jusqu’aux dents. Psychédéliques et savamment construits, les 26 épisodes de 25 minutes chacun ont tous bénéficié d’une restauration et d’une remasterisation, notamment de la musique du générique, qui résonne encore dans la tête de bon nombre d’entre nous.
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Django d’Etienne Comar, 2017 (Pathé)
Biopic sur le légendaire guitariste de jazz manouche, Django, interprété par un excellent Reda Kateb, se concentre sur les épisodes tourmentés de la vie de l’artiste durant la Seconde Guerre Mondiale. Alors qu’il fait vibrer le tout Paris aux Folies Bergères et que les Tziganes sont massacrés à travers l’Europe, il est invité à Berlin par la propagande nazie. Sous l’impulsion de sa femme (Cécile de France) qui le convainc qu’il ne peut idéologiquement pas s’acoquiner et jouer pour de tels hommes, il refuse finalement et se lance dans une évasion vers la Suisse. Etienne Comar décrit dans ce film le trajet d’une prise de conscience. Propulsé hors de sa célébrité et de l’entre-soi où il était adulé, Django Reinhardt est plongé de force dans sa condition de paria de naissance et dans les horreurs de la guerre. Si la réalisation ne se montre pas toujours à la hauteur des enjeux déployés par le récit, Reda Kateb est tout simplement époustouflant de justesse, de maturité et d’intelligence, notamment dans les scènes musicales, totalement galvanisantes.
Dodes’kaden d’Akira Kurosawa, 1970 (Wild Side)
Premier film en couleurs d’Akira Kurosawa, Dodes’kaden est loin d’être le film le plus connu du génial réalisateur nippon. Wild Side a la bonne idée de cette édition DVD et Bluray assortie d’un livret sur le film. Dodes’kaden nous plonge dans la vie de marginaux habitants un triste bidonville japonais. On y croise un jeune homme qui conduit toute la journée un tramway imaginaire, une orpheline violée par son oncle ou de jeunes mariés alcoolisés. Folie, pauvreté et inceste, tels sont les thèmes abordés dans cette fable social et fantastique en huit parties. Tourné en studio mais sans grand moyen, le film multiplie les audaces chromatiques et les expérimentations formelles. Kurosawa se fait plus que jamais peintre d’une humanité menacée. Incompri à sa sortie, sans doute à cause d’une noirceur trop affirmée, le film fut un échec commercial et poussa Kurosawa à commettre une tentative de suicide, avant qu’il ne retrouve le succès dès le milieu des années 70 avec Dersou Ouzala, Kagemusha, l’Ombre du guerrier et Ran.
I Am Not Your Negro de Raoul Peck, 2017 (Magnolia Home Entertainment)
A partir des écrits de l’auteur noir américain James Baldwin et d’images d’archive, Raoul Peck nous livre un documentaire politique indispensable, tant sur la forme que sur le fond. Ne cessant de tirer des fils entre la vie de l’écrivain, ami de Martin Luther King et de Malcolm X, et les combats des noirs américains dans les années 50, il dresse un portrait à charge d’une société américaine intolérante, raciste et ne supportant pas la différence, qu’elle soit de peau ou d’orientation sexuelle. Habité par la voix de Samuel Lee Jackson en VO ou par celle de Joey Starr en VF, le film propose des images parfois difficiles à supporter et convoque un sentiment d’empathie en même temps qu’un puissant désir de révolte, tout en ne tombant jamais dans le camp de la haine.
L’Opéra de Jean-Stéphane Bron, 2017 (Blaq Out)
Autre documentaire, L’Opéra de Jean-Stéphane Bron se place dans la démarche toute wisemanienne de l’observation des coulisses d’une institution, ici l’Opéra de Paris. Ayant pour cadre temporel une saison, le film prend les atours d’une expérience immersive où telle une petit mouche, le spectateur passe de situations en situations, visitant chaque organe de la prestigieuse maison. Kaléidoscope allant de ateliers des régisseurs au bureau du directeur en passant par les nombreuses salles de répétition, L’Opéra est filmé comme une micro-société, une petite démocratie en marche. Plein de vie, le film parvient à jongler avec aisance entre les scènes de tension, d’expression des passions et des scènes plus drôles et légères. Une réussite.
Album de famille de Mehmet Can Mertoglu, 2017 (Blaq Out)
Premier film remarqué à la Semaine de la Critique l’an dernier, Album de famille est une comédie pince-sans-rire au pitch alléchant. Un couple de quadra infertile décide d’adopter. Mais pour éviter la honte qui accompagne l’infertilité masculine en Turquie, ils s’inventent une fausse grossesse avec coussin postiche et fausses photos de bébé à l’appui. S’attaquant au conservatisme, teintée de virilisme, d’une société turc moderne aux mœurs pourtant encore archaïques, Mehmet Can Mertoglu se place en lointain héritier de Lubitsch et de son comique provenant de l’écart entre une situation délicate et une situation idéale. Ici, les deux futurs parents excellent plus ou moins dans le remplissage de cet écart avec un mensonge rendu plus aisé par la technologie.
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