Les tribulations new-yorkaises d’un hassidim non conforme, dans un premier film d’inspiration cassavetienne.
Les films qui traitent du judaïsme intégriste sont souvent des satires, du moins des œuvres décri(v)ant les contraintes de ce monde rigoriste (voir les expériences barrées d’Avishai Sivan en Israël). Joshua Z Weinstein met en scène un certain Menashé, juif hassidique de Borough Park (Brooklyn), quartier où prime le yiddish – cette langue germanique qui est celle du film.
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Menashé mène une existence ordinaire. Il vit seul, depuis que sa femme est morte, et travaille dans un supermarché. Grosse incongruité : puisqu’il n’a pas d’épouse, sa communauté lui interdit d’élever ses propres enfants. Son fils vit donc chez son beau-frère, père fouettard hassidique. C’est le nœud dramatique du film, inspiré de la vraie vie de Menashé Lustig, sorte de Charlie Chaplin local, qui anime les banquets. Dans le contexte, c’est Charlot sans le kid…
Cette proximité du réel s’explique par la formation de documentariste de Weinstein qui s’évertue à laisser la vie entrer par tous les interstices de sa fiction non-linéaire ; c’est une chronique de l’existence ordinaire du maladroit Menashé, en porte-à-faux avec sa communauté austère. Il fait des bêtises, triche, renâcle à se remarier, etc. Bon enfant, rigolard, Menashé n’a manifestement pas sa place dans ce monde hyperritualisé. Il est freestyle, comme le film.
Se référant à Cassavetes et Scorsese, le cinéaste suit la voie tracée par ces aînés prestigieux (ou par ses contemporains mumblecore comme Bronstein ou les frères Safdie) en rendant ses protagonistes perméables à leur environnement. Cela passe donc par une part d’improvisation. Voir la scène conviviale où Menashé boit de la bière en loucedé avec ses potes latinos du supermarché. Ce contraste éclatant entre l’archaïsme obtus des hassidim et le brouhaha new-yorkais fait tout le charme de ce premier film sobre et précieux.
Brooklyn Yiddish de Joshua Z Weinstein (E.-U., 2017, 1 h 22)
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