Le réalisateur de « Qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu ? » se livre à une attaque en règle de la gauche caviar. Mais il se prend les pieds dans le tapis en embobinant dans l’histoire une famille Rom d’opérette qui n’avait rien demandé. Pas drôle, à vomir.
Voilà un an qu’on nous l’annonçait : le nouveau film de l’auteur de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?, après l’échec de Départ immédiat (320 000 entrées contre 12 millions pour Qu’est-ce qu’on…), va réaliser un film sur les Roms intitulé Sivouplééééé… Même le Figaro, en décembre dernier, s’était fendu d’un article criant : S’il vous plaît, pas une comédie sur les Roms avec Christian Clavier ! (Si vous voulez rire, allez lire les commentaires outrés des lecteurs du quotidien conservateur). C’est dire si tout le monde craignait que Chauveron ne s’enfonce encore un peu plus dans la blague raciste censée faire rire parce qu’elle se fait entre gens de races différentes… La raison l’ayant un peu emporté, le film a été débaptisé et apparaît aujourd’hui en salles, sans avoir été présenté à la presse (par lâcheté, comme toujours) sous le titre A bras ouverts. Et c’est un film extrêmement retors.
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Le film met en scène un couple, les Fougerole (Christian Clavier et Elsa Zylberstein), des bourgeois intellectuels de gauche friqués (il est écrivain et prof de fac, elle est une artiste contemporaine sensible). Un soir, dans une émission de télévision, Fougerole s’engueule avec un politicard de droite (dont on apprendra plus tard dans le film qu’il est homosexuel – sans qu’on comprenne pourquoi…) qui le met au défi d’accueillir une famille de Roms chez lui (fantasme populiste classique), puisqu’il tient absolument à ce que la France les accueille chez elle. Mis au pied du mur, Fougerole relève le défi, et quand il rentre chez lui, le soir, on sonne à l’entrée de sa gracieuse maison de Marnes-la-Coquette : c’est Babik (Ary Abittan, la bouche pleine de dents en métal…) qui débarque avec sa caravane, sa nombreuse famille (dont un cousin handicapé) et leur cochon.
Dès le début, il est évident que « A bras ouverts » n’est pas ce qu’on en avait dit : les héros ne sont pas ce qu’on appelle les « Roms » ( ayant fui la Roumanie où ils sont opprimés, dans le film), mais les Fougerole. La vraie cible de Philippe de Chauveron, c’est la gauche caviar bobo gaucho bien-pensante blablabla dénoncée par les gens et la presse de droite et d’extrême-droite à longueur d’années.
Et c’est une première preuve du peu de cas que le film fait des Roms : ces caricatures sans mesure et terriblement dérangeantes (sales, voleurs, machistes, racistes, menteurs, violents, mangeurs de hérissons et de taupes, etc.) ne sont que des faire-valoir, des personnages secondaires (Ils n’ont même pas de nom de famille… ), censés dégonfler l’assurance des bobos et révéler les vices qu’ils (se) cachent. Leur seule utilité : aider Chauveron et Clavier (qui est également co-producteur de film) à s’en prendre à la gauche, objet manifeste de leur ressentiment.
Car chaque réplique de Clavier ou de Zylberstein n’est qu’une accumulation de plus en plus lourde de clichés sur la gauche, de ce ressentiment rance appartenant à l’idéologie de type « Valeurs Actuelles » : la gauche « caviar » vit dans le déni, ces bourgeois traîtres à leur classe, par « bien-pensance » (sans qu’on sache d’où elle vient), restreignent leurs pulsions les plus noires, ils sont aussi racistes que nous mais ils refusent de l’admettre.
A bras ouverts pratique ce qu’on pourrait appeler « l’égalité négative » : tous les hommes sont affreux, sales, méchants. Les intellos de gauche bourgeois sont aussi moches que nous, mais ils ne le savent pas. Une idéologie qui exprime des pulsions de mort terribles et autopunitives et qui ne les assume pas, pour le coup, les drapant du manteau de la lucidité – cette « lucidité » qui consiste essentiellement à considérer que tous les peuples ne se valent pas. Car l’égalité des hommes dans l’horreur n’empêche pas que certains le soient plus que d’autres. D’où les Roms.
Dès leurs premiers films, au début des années 70, les Bronzés (dont faisait partie Christian Clavier), ont pratiqué un humour méchant, qui s’en prenait à tout le monde. Prenez Le père Noël est une ordure : personne n’en sort indemne. Ni les pauvres (Marie-Anne Chazel et Gérard Jugnot), ni les cathos coincés (Anémone et Thierry Lhermitte), ni le travelo suicidaire (Clavier), ni le voisin yougoslave (Bruno Moineau, M. Preskovic). Mais les années 70 étaient une autre époque.
Les temps ont changé, la France aussi (mais il est vrai que Clavier vit désormais à Londres…). A une époque où tout ce qui n’est pas français est globalement stigmatisé par un bon quart ou un tiers de l’électorat, est-il bien judicieux de réaliser et de sortir, à quelques semaines des présidentielles, un film qui non seulement se fout de manière dégoûtante de la gueule d’une minorité (il est quand même beaucoup question de leurs excréments dans le film), mais dit très clairement qu’ils ne pourront jamais s’intégrer à la société française, parce que c’est tout simplement impossible ?
Pourquoi ? Parce que tout le monde ne pourrait pas être français ? Parce qu’il y aurait une identité française et une seule ? Que ce soit volontaire ou non, le résultat est le même : au pire, c’est scandaleux et abject, au mieux, c’est extrêmement bête.
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