Dans le Midwest, une ado rêve d’être un garçon. Malgré un final pesant, Boys don’t cry capte l’Amérique white trash avec âpreté, vigueur et justesse. Combien de films peuvent se targuer d’être bons de bout en bout ? Parmi la palanquée visitée chaque semaine, l’ivraie tient bien son rang. Parfois, dix plans saisissants suffisent à […]
Dans le Midwest, une ado rêve d’être un garçon. Malgré un final pesant, Boys don’t cry capte l’Amérique white trash avec âpreté, vigueur et justesse.
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Combien de films peuvent se targuer d’être bons de bout en bout ? Parmi la palanquée visitée chaque semaine, l’ivraie tient bien son rang. Parfois, dix plans saisissants suffisent à notre bonheur, on s’esbaudit sur le visage d’une comédienne ou sur une fin réussie. Cette semaine, du premier long métrage de Kimberly Peirce, on retiendra l’exposition. Ça tombe bien, elle dure plus d’une heure.
Boys don’t cry, donc, l’histoire d’un garçon imaginaire poussé en graine, non pas à Crawley mais à Lincoln, qui se voit adopter par les slackers pécores d’un bled du Midwest et fond d’amour pour Lana, leur égérie (notre héroïne Chloë Sevigny). Sauf que le ci-devant Brandon se nomme en fait Teena, cache sa poitrine sous un bandage et pique des Tampax au drugstore. Tout ça finira mal, dans l’histoire comme pour le film. Alors que ça avait commencé si bien, par une plongée impeccable dans le quotidien du Nebraska, plombé d’ennui et de frustration, où pour lutter contre l’étendue désertique des plaines infinies on s’enferme à six dans des habitacles de Dodge et des vapeurs de trichlo. A Falls City, des mères baptisent leur fille Candace, des benêts white trash (Brendan Sexton iii, grandiose) passent des nuits à brûler des kleenex, adossés à un mur. On ne pourrait retenir que ce plan magnifique ; il y en a d’autres, tendus, âpres, qui insufflent une énergie fébrile à l’inertie des situations.
Kimberly Peirce possède un beau sens de l’espace pour réussir à capter la glande alcoolisée dans des intérieurs miteux, avec un œil cousin de celui du photographe Nick Wapplington quand il shootait le Living room des prolos de Nottingham. Cette tenace impression de déjà vu participe de la tenue du film, le nourrit sans reléguer Peirce dans le camp des copieuses. Dans les pores de Boys don’t cry afflue la mémoire de ces bornes de l’Amérique rurale que sont Badlands, le Nebraska de Springsteen, ou Out of the blue avec Linda Manz, garçonne fan d’Elvis, sur les brisées de laquelle marche Teena. Néanmoins, Peirce n’est pas sans trébucher de temps à autre (banissez-moi ces nuages en accéléré !), accrocs qui diluent notre adhésion et rendent désavantageuse toute comparaison avec Kids ou Gummo. Mais il n’empêche que lorsque Chloë Sevigny habite une scène, elle y injecte une part de l’univers de ses mentors et Boys vibre, palpite alors avec une puissance accrue. Dans le registre diamétralement opposé de la performance, Hilary Swank, au physique de Matt Dillon Playmobil, déploie un abattage assez époustouflant qui dispense la réalisatrice de trop charger la mule côté ambiguïté queer.
Bonnet d’âne par contre pour la dernière partie qui capote complètement dans l’ornière De sang froid, s’abîmant dans une resucée concon des Accusés de Jonathan Kaplan. On fermera les yeux, retenant que, s’il n’est peut-être pas promis à l’immortalité dont jouit le single éponyme de Cure, Boys don’t cry délivre sur une face un cinglant Teenage kicks à Ploucville.
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