« Départ exceptionnel », « accueil monstrueux » : « L’Apollonide – souvenirs de la maison close » démarre en trombe dans les salles. Un premier succès pour Bertrand Bonello, et un nouveau signe de l’éclatante santé du cinéma d’auteur en France.
Public occasionnel en hausse, nouvel engouement des ados et des séniors : avec près de 38 millions de spectateurs, le premier semestre 2011 a été synonyme de record dans les salles françaises selon une récente étude de Médiamétrie. Et la bonne tendance, confirmée cet été, profite à tous les cinémas : du plus populaire, engagé dans une guérilla industrielle entre deux remakes boutonneux d’un même film (dont rien n’explique les succès cumulés), jusqu’à un cinéma d’auteur plus fragile, moins exposé.
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Dernier bénéficiaire de la santé éclatante du cinéma d’auteur (français et étranger) : L’Apollonide… qui, pour sa sortie en salle mercredi, se payait le luxe d’inquiéter La nouvelle guerre des boutons. Distribué dans deux fois moins de salles à Paris, le film de Bertrand Bonello réunissait en première séance à peine moins de spectateurs que la grosse machine marketing de Christophe Barratier, mais réalisait surtout une meilleure moyenne par copie (101 contre 72).
Depuis, La nouvelle guerre des boutons a repris ses droits, affolant les compteurs dès sa première journée d’exploitation (90 000 spectateurs dans 541 copies, soit plus que le remake de Yann Samuel). Mais L’Apollonide résistait dans sa configuration limitée de 80 salles, attirant au terme de sa première journée plus de 7000 spectateurs :
« On a eu un démarrage exceptionnel, confirme-t-on à la société Haut et Court, distributrice de L’Apollonide. Même avec l’effet Cannes (le film était sélectionné en compétition officielle, ndlr), même avec l’accueil monstrueux de la presse, personne ne s’attendait à une telle réussite. »
La difficile équation Paris/Province
En seulement quelques jours, L’Apollonide a offert son plus grand succès à Bertrand Bonello (De la guerre, Le Pornographe…) : avec 46 000 spectateurs comptabilisés dimanche soir, « le film atteindra probablement les 60 000 entrées pour sa première semaine ». Plébiscité par la presse (« on a même eu les journaux populaires types Parisien ou JDD« , s’enthousiasme le distributeur), le film a réalisé une très bonne moyenne par copie (plus de 600 spectateurs/écran), et bénéficié d’une conjoncture très favorable.
« On a sorti le film dans la bonne semaine : au-delà de La Guerre des Boutons, qui n’est pas sur notre marché, tous nos potentiels concurrents (Cochon de Gaza, Restless) n’ont pas réussi à se distinguer. Le timing a été parfait, la presse est là, le bouche à oreille fonctionne, et peut-être que le côté cul a joué aussi », précise le distributeur, qui verrait bien L’Apollonide atteindre les « 200 000 entrées », plus si le film fonctionne en Province.
Car L’Apollonide a certes pris la tête du box-office dans beaucoup de salles à Paris (MK2 Odéon, Gaumont Opéra, UGC Bastille, UGC les Halles) et dans la plupart des capitales de Province (Lille, Lyon, Strasbourg…), mais le film doit encore réussir à s’imposer dans les petites villes : « C’est toujours la même problématique avec le cinéma d’auteur, explique-t-on à Haut et Court. Pour L’Apollonide, on a encore ce déséquilibre entre Paris et la Province, qu’on espère gommer un peu en deuxième semaine d’exploitation en distribuant de nouvelles copies sur le territoire. »
Des petits phénomènes
L’Apollonide devrait donc être redistribué dans 15 salles supplémentaires pour espérer rivaliser avec les autres représentants d’un cinéma d’auteur en grande forme.
« C’est une période très intense pour les films art et essai, confirme-t-on à la société de distribution Le Pacte, en charge du dernier film de Nanni Moretti, Habemus Papam. Depuis la première moitié de l’été, il n’y a pas une semaine sans un grand film d’auteur, à fort potentiel commercial –et parfois avec un risque d’encombrement. »
En salle depuis le 7 septembre, Habemus Papam offrait ainsi à Nanni Moretti son meilleur démarrage français (devant la Palme d’Or La Chambre du fils, qui avait terminé sa carrière à 700 000 entrées), et réunissait le 20 septembre déjà plus de 350 000 spectateurs. Ses atouts ? « Un magnifique accueil à Cannes, un sujet original, drôle, la présence de Michel Piccoli » et près de 100 copies rajoutées sur tout le territoire en deuxième semaine (pour un total de 265).
Contrairement à la rentrée 2010 et le phénomène Des Hommes et des Dieux (ou, dans une moindre mesure, la rentrée Un Prophète en 2009), aucun film d’auteur ne truste le box-office cette année. Pas même La guerre est déclarée de Valérie Donzelli, qui poursuit sa marche tranquille vers le million d’entrées, à peine perturbée par le très bon démarrage du dernier film de Nadine Labaki, Et Maintenant où on va ?, plébiscité par près de 100 000 spectateurs en une semaine.
Romain Blondeau
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