Le bide complet de Green Lantern aux Etats-Unis effraie les studios sur le potentiel commercial des films de super-héros. Lassitude du public ou produits uniformisés, les justiciers masqués semblent avoir perdu leur pouvoir sur le box-office.
Le raté est tel que certains grincheux pronostiquent déjà la fin des super-héros. Au terme de sa deuxième semaine d’exploitation, le dernier film adapté d’un DC Comics, Green Lantern (sortie en France le 10 août), n’a réalisé que 135 millions de dollars de recettes mondiales, et accuse une chute de fréquentation de plus de 66% – un record pour l’année 2011. Ruiné par une campagne de promotion foireuse (estimée à 150 millions de dollars), des critiques plutôt négatives et un accueil glacial des fanboys, le film en 3D de Martin Campbell trône déjà au sommet des 10 plus grands échecs industriels de l’année, recensés par le Hollywood Reporter.
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Une débâcle pour la Warner, mais qui traduit aussi une crise globale des films de super-héros et des adaptations de comics dont les chiffres au box-office mondial sont en berne depuis des mois. Désaffection des jeunes spectateurs, saturation du marché (les studios ont tous dans leur line-up leur justicier de l’été), productions uniformisées et effet repoussant de la 3D : l’ancien sous-genre roi d’Hollywood serait en train de virer au piège commercial. Et la tendance pourrait bien confirmer la prophétie de Matthew Vaughn, qui anticipait il y a tout juste un an « la mort » des films de super-héros.
Trop de films, pas assez d’ados
Avant Green Lantern, les carrières de Thor ou X-Men : le commencement avaient déjà (dans une configuration moins désastreuse pour les studios) prouvé la perte de vitesse du genre. Aucune de ces adaptations n’avait réédité l’exploit d’Iron-Man qui, avec un budget de 140 millions de dollars, réalisait en 2008 plus de 585 millions de recettes mondiales. Les chiffres des films labellisés Marvel ou DC Comics ont souffert d’une baisse progressive (malgré les recettes supplémentaires induites par la 3D) : 436 millions pour Thor, 417 pour X-Men : le commencement et 135 donc, pour Green Lantern. Avec à chaque fois des budgets en hausse.
Selon le site The Wrap, cette perte des entrées s’explique avant tout par une offre surabondante et parfois mal négociée : à quelques exceptions près (X-Men: le commencement), les films se suivent et se ressemblent, les campagnes marketings se confondent et les projets ne suscitent plus qu’un vague intérêt médiatique (Thor qui ?).
« Je pense que les spectateurs sont fatigués de ces films de merde à gros budget, explique à The Wrap un responsable d’un studio concurrent. Et les réseaux sociaux leur ont donné les outils pour conseiller à leurs amis d’ignorer une campagne de marketing de 100 millions de dollars. »
Les films de super-héros ont surtout perdu leur cœur de cible : le jeune mâle de moins de 25 ans adepte de comics books et de pop-corn qui déserte depuis quelques mois les multiplex. Car si les hommes représentaient 64% des entrées de Green Lantern en première semaine d’exploitation, seulement 37% d’entre eux étaient âgés de moins de 25 ans. Ces consommateurs, indispensables à l’industrie du super-héros, représentaient aussi 46% des entrées d’X-Men: le commencement, et un ridicule 28% de celles de Thor. Un marché à reconquérir d’urgence pour les studios, dont les futurs projets se destinent plutôt à un public adulte (Captain America, The Dark Knight Rises…)
Erreur de casting
Le pari tardif de la 3D dans l’exploitation des films de super-héros n’a rien arrangé à la situation. Responsable d’une explosion de budget en postproduction, la conversion au relief de Green Lantern n’aura eu aucun effet sur ses entrées : seulement 36% des spectateurs en première semaine ont fait le choix d’un billet 3D, alors que le film était présenté en relief sur plus de la moitié des 3200 copies distribuées aux Etats-Unis. C’est encore moins que pour Thor, dont les résultats des entrées 3D dépassaient à peine les 43% en fin de carrière.
Le choix plutôt perdant du relief s’ajoute à une série de mauvais calculs des studios : des erreurs de castings (Ryan Reynolds pour incarner Green Lantern ou Chris Hemsworth en Thor), des paris hasardeux sur des réalisateurs (Martin Campbell, Kenneth Branagh, Gavin Hood), des déclinaisons sans fin en reboot, remake, ou spin-off… Une stratégie qui pourrait à terme causer la ruine du film de super-héros selon The Wrap. Mais un risque que les studios semblent ignorer: alors que Green Lantern s’effondre, la Warner a annoncé la mise en chantier d’une suite, toujours réalisée Martin Campbell, toujours avec Ryan Reynolds.
Romain Blondeau
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