Après une série de blockbusters commercialement décevants qui risque de se poursuivre cet été, les salles françaises tirent encore un peu plus la langue. Qui sauvera le cinéma ?
Le carrosse, la citrouille : on n’en est pas là, mais il est temps d’accepter que le miracle Un p’tit truc en plus, 7 millions d’entrées au compteur, est en passe de s’estomper. Après six semaines de maintien, sa pente de courbe décline, dissipant l’espoir un temps envisagé des 10 millions. S’il explique le beau rebond du mois de mai (habituellement bas : peu de grosses sorties pendant Cannes), on ne saurait demander au seul film d’Artus d’endiguer un sinistre diagnostic : le recul de 11,6 % sur les cinq premiers mois de 2024 par rapport à l’exercice 2023, lui-même conclu par un total décevant de 181 millions d’entrées sur l’année.
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Alors que les premières secousses de l’été blockbuster se sont plutôt avérées des pétards mouillés (les fours de Fall Guy et Furiosa), faut-il s’attendre cet hiver à un bilan à -15 % ? – 20 %? À Deadpool & Wolverine (24 juillet), Moi, moche et méchant 4 (10 juillet) et Vice-Versa 2 (qui enregistre un démarrage explosif, ouf), derniers candidats sérieux de la saison au milliard de recettes mondiales, de tromper ces funestes paris.
Streaming et grève à Hollywood
Non seulement le secteur ne parvient pas à retrouver les niveaux d’avant Covid-19 (record en 2019 : 213 millions) ni ne serait-ce que passer la barre symbolique des 200 millions, mais pour la première fois depuis la pandémie il s’en éloigne à nouveau. Les coupables désignés sont tous trouvés : la concurrence des plateformes, et les grèves hollywoodiennes, qui ont gelé la production et repoussé des triomphes bétonnés comme Mission impossible, le nouveau Spiderverse et quelques marvelleries labellisées Avengers. Les usual suspects ont bon dos cependant. Primo : les plateformes stagnent, freinées par une saturation du marché que ne devrait pas arranger le lancement de Max. Comment leur reprocher de continuer à piquer des spectateur·ices qu’elles échouent à capter elles-mêmes ? Secondo : il est toujours plus facile de “garantir” un hit futur que de l’encaisser au présent. À l’épreuve du réel, les suites s’affaissent et les super-héros débandent (Aquaman 2, – 62 %). Même Marvel est à la peine.
Il s’agirait donc de laisser tranquilles les boucs émissaires, et de regarder plus frontalement le problème de l’offre. La franchise fatigue, du nom américain du phénomène de lassitude du public face au train-train des licences, est bel est bien là. Le trio de tête du box-office mondial de 2023 (Barbie, Mario, Oppenheimer) était intégralement constitué de films prototypiques, conceptuels, quand bien même les deux premiers étaient adaptés de jeux et de jouets : le signal d’une demande de singularité, d’originalité, est flagrant. En France, il y a des leçons à tirer du succès d’Artus, et de l’effondrement des mastodontes (Dany Boon, ultime crash-test avant fermeture : La Famille Hennedricks le 26 juin) : les vieilles recettes ne sont pas éternelles, et le public demande, à raison, des têtes et des histoires qu’il n’a pas déjà vues cent fois. Comme dirait un certain tribun de gauche : il n’y a pas d’investiture à vie.
Édito initialement paru dans la newsletter Cinéma du 19 juin. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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