En filmant, au milieu des grenades et lacrymo, son idylle avec un Gilet jaune, Laurie Lasalle signe un documentaire amoureux et révolté qui embrase tout sur son passage.
“Plus je fais l’amour, plus j’ai envie de faire la révolution ; plus je fais la révolution, plus j’ai envie de faire l’amour”, disait un graffiti sur un mur de la Sorbonne au printemps 1968. 60 ans après, plus que jamais, on ne saurait dissocier la révolution sociale et économique d’une réinvention de l’amour.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Nous sommes à l’automne 2018 et Laurie Lassalle, caméra à la main, rencontre Pierrot dans l’immense foule des Gilets jaunes. Samedi après samedi, la réalisatrice retrouve le jeune révolté et ils se mettent ensemble à rêver d’une nouvelle façon d’aimer, libérée du cadre de l’exclusivité tandis qu’en simultané s’organise une nouvelle façon de manifester loin des étiquettes politiques, rejetant le bipartisme traditionnel.
L’utopie amoureuse faisant corps avec le rêve d’un monde meilleur, le film va s’articuler autour de ces deux révolutions, de l’intime et du collectif. À la candeur du sentiment amoureux naissant, au miel réconfortant d’une étreinte vient s’entrechoquer l’extrême violence de la répression policière. Boum Boum, c’est un cœur qui bat autant que la détonation d’une grenade de désencerclement. Si le film met en lumière l’hétérogénéité du mouvement, qu’il théorise et pense inévitablement par la parole de celles et ceux interrogé·es, l’entreprise se démarque assez vite d’une approche sociologique ou dissertative pour interroger ailleurs : quels sentiments et affects habitent un corps prenant part à une manifestation ?
Aimer ou lutter
Caméra au poing, fixée dans les entrailles de la foule, collée aux ressentiments de ces acteur·trices et des stigmates infligées à leur corps, Boum Boum avance comme une expérience sensorielle sur l’extrême violence de la répression policière. Ce sont les yeux qui se vident de larmes et la gerbe au bord des lèvres lorsqu’une bombe lacrymogène touche un·e manifestant·e, et qu’un LBD vient perforer un tibia. C’est aussi la terreur qui ronge de l’intérieur, à l’image de cette scène où, la caméra tremblante, comme prête à s’effondrer, la réalisatrice est prise de peur, asphyxiée dans la masse.
À l’euphorie des premiers jours se succède le désenchantement. Semaine après semaine, sévices après sévices, le mouvement des Gilets jaunes s’épuise tandis que le modèle d’une relation libre conclut avec son amant Pierrot questionne douloureusement la jeune femme à la caméra. L’histoire d’amour meurt, les Gilets jaunes aussi. Aimer ou lutter, c’est s’exposer à l’échec. C’est se confronter possiblement à la mort des idéaux, à des printemps qui n’arrivent pas. Le film s’interroge : que reste-t-il à ces amoureux·ses et révolté·es quand ils regardent en arrière ? La désillusion et les regrets bien sûr, mais aussi le souvenir d’un cœur qui battait fort. Il faudrait alors être fou pour ne pas recommencer.
Boum Boum de Laurie Lassalle
{"type":"Banniere-Basse"}