Regard documentaire sur un fait divers dans un snack-bar de Buenos Aires. Superbe chronique du racisme ordinaire.
Tourné les week-ends pendant deux ans, le deuxième long métrage de Caetano est bien plus passionnant que son plus récent Buenos Aires 1977, sorti il y a deux semaines. De quoi dérouter ceux qui chercheraient une cohérence dans l’œuvre du cinéaste. Certes, les sujets de Caetano sont essentiellement sociaux et/ou politiques. Mais stylistiquement, les films ne se ressemblent pas. Peu de points communs entre L’Ours rouge (2003), polar singulier, Buenos Aires 1977, thriller convenu sur la torture en Argentine, et Bolivia. Comme son titre ne l’indique pas, Bolivia est situé dans un faubourg sans caractère de Buenos Aires, tourné en noir et blanc fruste et granuleux, dans un esprit documentaire qui prend la partie pour le tout, et privilégie le gros plan. Un montage assez fragmenté et heurté, donc, une prépondérance de “natures mortes”, servant ou non de transition entre les épisodes. L’histoire, fort simple, tourne autour de la figure de Freddy, un immigré bolivien (d’où le titre) employé dans un snack comme cuisinier. Il a quitté clandestinement son pays où il n’arrivait plus à subvenir aux besoins de sa famille. Les trois-quarts de l’action (façon de parler) se déroulent dans ce snack. Un quasi huis clos entre Freddy, le patron revêche, la jeune serveuse Rosa, une autre immigrée, et les habitués, deux ou trois chauffeurs de taxi – dont l’un d’eux en pleine mouise financière – qui gonflent leur ardoise (au grand dam du patron) en buvant et déblatérant sur tout avec une rancœur manifeste… Un film tout à fait dans le prolongement de Mundo grua (1999) de Pablo Trapero qui initia le nouveau cinéma social argentin. Mais outre son sujet sociopolitique, ce drame ordinaire du racisme, de la xénophobie et de l’homophobie se caractérise par son minimalisme, par les temps morts entre les divagations du vulgaire Oso et de ses comparses, qui squattent le café en jetant un oeil distrait sur la télé. La facture rudimentaire du film est un de ses meilleurs atouts. Images rugueuses (16 mm gonflé ?), filmage documentaire dans un café et dans les rues… Tout le contraire du sophistiqué et professionnel Buenos Aires 1977 de Caetano, qui pâtit d’une volonté trop voyante de faire cinéma. Bolivia, c’est l’enfance de l’art, l’évidence. Comme les premiers films néoréalistes, il tire sa force de son immédiateté et de la proximité des comédiens amateurs avec leurs personnages (dont les noms sont leurs vrais noms) et avec les lieux dans lesquels ils évoluent. Bolivia est un film surgi de la rue, du genre qu’on rêverait de voir en France.
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