Bolche vita nous ramène à la fin des années 80, lorsque les frontières séparant l’URSS des pays de l’Est s’ouvrirent et que de nombreux Russes partirent sans demander leur reste. Le film a un poids de reconstitution dans la mesure où il s’inspire du parcours du musicien Yuri Fomichev, qui joue ici son propre rôle. […]
Bolche vita nous ramène à la fin des années 80, lorsque les frontières séparant l’URSS des pays de l’Est s’ouvrirent et que de nombreux Russes partirent sans demander leur reste. Le film a un poids de reconstitution dans la mesure où il s’inspire du parcours du musicien Yuri Fomichev, qui joue ici son propre rôle. A l’occasion d’une tournée, prétexte à contrebande, lui et son grand ami saxophoniste Vadim échouent à Budapest où des femmes accueillantes, hongroises ou anglaises, les entretiennent un moment. Ces deux musiciens (on laissera le soin aux pages Musiques d’estimer les mérites du disque de Fomichev) évoquent immanquablement le couple dont le dernier film de Manuel Poirier décrivait l’errance. Il y a d’ailleurs une étonnante communion de pensée entre Bolche vita et Western, le même humanisme un peu désespéré, présentant l’amour d’une femme comme seul moyen de survie pour l’homme, la même obsession de passer coûte que coûte les frontières qui séparent les individus, alcool et sexe aidant. Mais comme le taux d’alcool dans les boissons consommées est à la mesure du désespoir, on boit dans Bolche vita une méchante vodka et non la petite bière de Bretagne. Et donc on ne rigole plus on titube.
La situation économique et politique dont témoigne le film le plombe d’autant plus qu’Ibolya Fekete hésite entre mise en scène, rigueur du cadre et témoignage politique à tendance documentaire, utilisant notamment des images d’archives parfois insoutenables (et insuffisamment expliquées). Cet entre-deux artistique est à l’image de la ville de Budapest, carrefour entre l’Est et l’Ouest, à une époque elle-même intermédiaire, entre l’effondrement du communisme et la mise en place d’une nouvelle forme de dictature. Par l’intermédiaire d’un troisième Russe, Sergei, qui lui n’entend pas se fixer à Budapest sous la protection matriarcale de sa logeuse, la réalisatrice dépeint le passage désastreux d’un pays communiste à l’économie de marché. Les mafieux sont interprétés par d’authentiques mafieux et c’est peut être pour cela qu’ils font si peur. Ce sont les nouveaux maîtres et ils pratiquent une politique d’intimidation avec autant de persuasion que leurs prédécesseurs.
C’est ce qu’il y a de plus triste dans Bolche vita, ce sentiment que le communisme a tué toute velléité de résistance et que le seul salut pour un Russe réside entre les bras d’une femme et dans l’exil.
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