Sexe, espionnage, trafic et mondialisation : un thriller à demi réussi. Mais un superbe casting.
Il y a pour ainsi dire deux films dans Boarding Gate, deux films qui correspondent à la double nature culturelle d’Olivier Assayas, qui est à la fois un cinéaste très français, ancré dans le roman, la Nouvelle Vague, un certain patrimoine français (son versant Paris s’éveille ou Les Destinées sentimentales), et un cinéaste monde, fasciné par le rock et les dernières avancées de la culture pop planétaire (sa facette Demonlover). Parfois, il est arrivé à Assayas de parfaitement fusionner ses deux univers, comme dans Irma Vep. Dans Boarding Gate, la suture est grossière : le “film français” contenu dans Boarding Gate est loupé, la “série B internationale” est elle très réussie.
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L’argument est le suivant : Sandra (Asia Argento, parfaitement érotique et magnétique) veut rompre avec son amant américain, un homme d’affaires vaguement louche (Michael Madsen, pas à l’aise). Leur soirée de rupture tourne mal, et Sandra se retrouve involontairement mêlée à un vaste réseau de trafic international, contrainte de quitter Paris pour Hong-Kong. La partie “française” ratée du film, ce sont toutes les scènes du couple mal assorti (acteurs comme amants de fiction) Argento/Madsen : leurs dialogues sont lourdement explicatifs, leur danse de mort est laborieusement chorégraphiée, leurs atermoiements sentimentalo-sexuels semblent d’autant plus longuets que le spectateur est monté dans le train du film au moment de la fin de ce couple, qu’il n’a pas eu le temps de le voir vivre avant et qu’il se fiche donc royalement de ce qui lui arrive. Cela ressemble à du mauvais théâtre, artificiel, peu crédible.
En revanche, Assayas est à son meilleur dans la partie “internationale” du film, dans son côté polar vif et abstrait. Paris vu par Assayas, ce sont les zones incertaines entre périph et banlieue, entrepôts et néons d’hôtels de chaîne, cela pourrait aussi bien être Tokyo, Londres ou São Paulo, c’est un Paris réel, mondialisé, vierge de tout cliché touristique et sans la moindre pierre haussmannienne.
Longtemps fasciné par le cinéma hong-kongais, Assayas filme ensuite cette ville pour la première fois et réussit à capter sa frénésie, son énergie, sa densité urbaine particulière. Asia/ Sandra y est comme un vaillant petit soldat lâché au milieu d’un labyrinthe grouillant, à la merci d’un minotaure invisible et omniprésent. Et si Madsen n’est pas très bon, Carl Ng, Kelly Lin, Alex Descas et Kim Gordon, superbe casting international et métissé, peuplent magnifiquement cette course-poursuite urbaine, y impriment leur gestuelle, leur hiératisme, leur beauté, leur grâce.
Moins il y a du dialogue et de la psychologie, plus il y a de l’action, des gestes, du mouvement, meilleur est Boarding Gate. Ou disons qu’Assayas est meilleur en Johnnie To qu’en Bergman sadomaso. La porte d’embarquement la plus significative du film, c’est celle que franchit Assayas et qui sépare un cinéma psychologique ici inopérant de l’internationale des grands formalistes postmodernes.
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