Mélo teinté de lyrisme, sur deux SDF de Manille, qui n’est pas sans rappeler le néoréalisme italien.
Conte de fées moderne ou mélodrame enchanté ? Blanka est un peu des deux, à condition d’oublier les clichés de mièvrerie qui sont attachés à ces genres. On pourrait citer aussi Dickens pour faire bonne mesure, si tant est que l’esprit et le style du romancier anglais du XIXe siècle puisse s’appliquer aux Philippines des années 2010. Bref, Blanka est une fillette des rues de Manille, une orpheline subsistant de menus larcins, qui rencontre un vieux chanteur aveugle, Peter, auquel elle va lier un temps sa destinée, en frôlant l’abîme à chaque instant.
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On pourrait effectuer un parallèle entre Blanka et le dernier Spielberg, Le BGG (Le Bon Gros Géant), dont les trames sont globalement assez proches dans leur principe, et dont certaines séquences sont comparables (comme la fugue nocturne de leur orphelinat par les héroïnes des deux films). Seulement, Spielberg se repose sur les techniques numériques et opte franchement pour l’imagerie féerique, alors que Kohki Hasei, documentariste japonais dont c’est le premier long métrage de fiction, s’appuie exclusivement sur le réel.
Mais, contrairement à des cinéastes philippins œuvrant sur le même terrain, comme Brillante Mendoza, auquel on ne peut pas s’empêcher de penser, le Nippon œuvre sur un mode plus classique, plus dramatisé, aux angles un peu émoussés, aux constats modérés, sans être faussés ni éludés, et qui rappelle énormément le néoréalisme italien. Blanka est un équivalent du Voleur de bicyclette ou d’Allemagne année zéro (en moins cru, certes), et montre le même type d’obstination chez un enfant résistant coûte que coûte à l’adversité.
Si certains décors et situations sont enjolivés sur un mode un chouïa pittoresque, par exemple le cargo idéalement abandonné dans lequel les deux petits voleurs avec lesquels Blanka s’acoquine ont élu domicile, ce n’est pas outrancier. Chaque situation, même la plus dramatisée (comme l’enlèvement de Blanka vendue à une sorte de bordel), s’appuie sur une réalité plausible et/ou connue. Si cela n’a pas l’aspect brut de décoffrage du cinéma de Mendoza, cela permet d’observer la zone de Manille sous un angle plus empathique, plus à hauteur d’enfance aussi ; la trame elle-même en traduit parfois la naïveté (l’épisode où Blanka colle des tracts pour “s’acheter” une mère).
A cela s’ajoute la dimension musicale, puisque le chanteur est un aveugle, à l’instar de certaines légendes du blues américain, dont la petite fille devient l’accompagnatrice provisoire. La musique est le fil rouge de ce conte sobre et en renforce idéalement le lyrisme.
Blanka de Kohki Hasei (Jap./It./Phil., 2015, 1 h 15)
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