Obscur objet.Une rareté absolue : un film de fiction immergé dans le New York punk avec Richard Hell et Carole Bouquet pour guides.
LE FILM :Il est des objets qui ont totalement été absorbés par l’histoire. Ainsi de Blank Generation, on se souvient du single circa 1976 qui mit le feu à la poudrière punk new-yorkaise (peu importe si Richard Hell, qui en a fait son
manifeste et son seul chef-d’oeuvre, en avait entièrement piqué le riff à un obscur morceau fifties intitulé I Belong to the Beat Generation).
On se souvient déjà moins du film de montage de live filmés vers 1978 au CBGB
par Amos Poe. Mais qui sur cette planète pour se rappeler qu’il existait aussi sous ce nom-là une fiction plus ou moins tardive, 1980, écrite et interprétée par Richard Hell, réalisée par Uli Lommel ? Lommel était un ancien acteur de la troupe de Fassbinder (on le voit dans La Roulette chinoise). Il est aussi
connu pour avoir été le compagnon d’Anna Karina. C’est à lui sans doute que l’on doit la présence improbable de Carole Bouquet (au maximum de sa fatale beauté, soit dit en passant) comme starlette française perdue au beau milieu de cette fiction punk. En 1980, le clan Fassbinder entretenait encore pas mal de liens avec le producteur francolibanais Jean-Pierre Rassam, alors à la colle
avec la belle Carole. Hell, le beau bizarre qui inventa dès 1974 l’esthétique punk, en se coiffant avec un sécateur et en s’habillant de haillons, n’a pas eu à chercher très loin pour écrire l’histoire d’une passion entre un musicien punk charismatique et une jeune journaliste française. Le script sent à plein nez la transposition de l’histoire qu’il a lui même vécue à la fin des années 70 avec la
chanteuse française Lizzy Mercier Descloux. L’autoportrait romancé vire vite au panégyrique révisionniste puisque Hell, dans sa grande munificence, a mis ses morceaux partout, et ses morceaux seulement, comme si à New York en 1980 il n’y avait qu’UN seul musicien. Le script bégaie les scènes (deux fois le même
live, il fallait le faire) et enchaîne les perles. La plus belle restant ce moment flottant où Carole Bouquet tente d’interviewer AndyWarhol en lui posant pour colle une citation de Godard : « Le cinéma est le lieu du crime et de la magie. »
Contre toute attente, le Godot factory, couvert de fourrure, trouve un truc à répondre, une philosophie de la présence, plus synthétique que jamais (expliquée en deux minutes d’affilée, un record de prolixité). Blank Generation est un objet aussi obscur que raté mais évidemment désirable, sinon indispensable. Ici, la romance poseuse ne peut décevoir puisqu’elle n’est faite
que de clichés, sur le poète maudit (et/ou « vide »), sur Hell (l’homme qui était junky de lui-même), sur le charme des filles françaises, sur le New York du Bowery (les couloirs graffés du CBGB comme si on y était). Beau fétiche,
elle répond comme un calque à tout ce qu’on attendait d’elle. Ne pas lui en demander plus.
LE DVD En guise de bonus, filmographies de
Richard Hell, de Carole Bouquet, et du réalisateur
Uli Lommel.
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BLANK GENERATION d’Uli Lommel,
avec Richard Hell, Carole Bouquet, Andy Warhol
(E.-U., 1980 1 h 30), L.C.J. Editions, environ 13 €
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