Maintes fois reporté à cause de la pandémie de Covid, “Black Widow” est un blockbuster inégal qui, derrière son discours féministe, chercher surtout à faire fructifier un héritage bien codifié.
Depuis la sortie en juillet 2019 de Spiderman : Far From Home de Jon Watts, sorte de codicille à la Saga de l’Infini dépliée dans l’ombre du grand méchant Thanos, les super-héros Marvel n’avaient plus électrisé les salles de cinéma.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Vaincus par la pandémie de Covid, c’est à la télévision (WandaVision, Falcon et le Soldat de l’Hiver, Loki) que se sont tissées leurs dernières aventures.
Un nouveau départ les yeux dans le rétro
Destiné à amorcer la quatrième phase de l’univers cinématographique bâti par la firme, annoncée comme plus inclusive et transmédia, Black Widow s’écrit curieusement les yeux dans le rétro et prend la forme d’un adieu au personnage campé par Scarlett Johansson, décédé dans Avengers : Endgame. Situé après les événements de Captain America : Civil War, qui voyait l’équipe se scinder en deux groupes antagonistes, le long-métrage réalisé par l’Australienne Cate Shortland permet à l’héroïne, alors en cavale, de régler ses comptes avec son passé trouble, lié à un programme particulièrement cruel de formation d’espionnes russes.
Si la longue introduction du film semble le placer dans le sillon des fictions d’espionnage paranoïaques façon The Americans (on y découvre Natasha Romanoff, enfant, évoluant au sein d’une fausse famille d’agent·es infiltré·es), ses développements successifs le rendent difficile à situer. Tiraillé entre le cahier des charges propre aux productions Marvel (humour potache, clins d’œil multiples et déluge pyrotechnique) et une veine plus sombre nouée aux traumas du personnage, Black Widow est un blockbuster déséquilibré qui charrie dans un même mouvement les clichés les plus éculés (notamment sur les services secrets russes) et la question, particulièrement saillante dans nos sociétés contemporaines, des violences faites aux femmes.
>> À lire aussi : “La Meute”, la série chilienne sur les violences faites aux femmes débarque sur Arte
Un blockbuster fantôme
Les intentions sont à ce titre très littérales : à travers une histoire de coercition physique et de manipulations mentales, il s’agit, pour les personnages féminins du film (Natasha Romanoff, mais aussi sa “sœur” Yelena Belova, interprétée par la lumineuse Florence Pugh, découverte dans Midsommar, ou sa “mère” incarnée par Rachel Weisz), de se libérer de l’emprise des hommes qui ont contrôlé leur vie pour prendre enfin en main leur destin. On regrette cependant que ce souffle féministe, qui structure les enjeux du récit, ne parvienne pas à se matérialiser en termes de mise en scène, comme c’était notamment le cas dans les Wonder Woman de Patty Jenkins : entre les coups de pieds retournés et les vols planés, Black Widow reste un Marvel comme les autres.
>> À lire aussi : “La Fièvre”, un premier film poétique et politique
Car le but premier de l’entreprise reste de flatter une fan base nostalgique en labourant un territoire fictionnel qu’elle connaît par cœur, truffé de marqueurs de reconnaissances qui risquent de perdre le·la spectateur·trice novice. Plus qu’un retour fracassant, Black Widow est un film-revenant, sur le plan industriel comme scénaristique : annoncé en 2016 et tourné en 2019, il sera projeté devant des yeux qui ne l’attendaient plus, mais qui gardent peut-être quelques larmes en réserve pour pleurer son personnage disparu. Quant au futur, il s’écrira ailleurs.
Black Widow, de Cate Shortland, avec Scarlett Johansson, Florence Pugh, David Harbour… En salle le 7 juillet.
{"type":"Banniere-Basse"}