Toutes les nuances du black power dans un film à l’imaginaire pop débridée.
Ce n’est pas arrivé depuis si longtemps qu’on saurait à peine citer le dernier Marvel à nous avoir épargné : aucun Avenger passant une tête pendant sa RTT pour faire mumuse dans le film de son collègue n’est à déplorer au casting de ce Black Panther. Ni Iron Man, ni Hulk, ni Thor et pour cause : il s’agit de ne pas laisser une perpétuation molle du star-system blanc gâcher l’occase longuement attendue du “premier blockbuster noir” (titre proclamé un peu vite, passons). Et il n’est évidemment plus question que d’émancipation du joug occidental dans ce spectacle prodigieusement – pardon d’avance pour le terme touristique, mais c’est littéralement ce dont il est question – dépaysant.
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Après la mort de son père, emporté par un attentat intergalactique au siège de l’ONU dans le dernier Captain America (franchement, on a zappé les détails), le prince T’Challa a hérité du trône du Wakanda, micro-Etat tout juste remarqué par le collège des nations cachant en fait une sorte d’Atlantide terrestre. Inframonde bio-punk en pleine forêt primaire, mêlant nations tribales, médecine et armements futuristes, chamanes, vie augmentée humaine ou animale – bref, un pot-pourri d’afrofuturisme, ce psychédélisme noir conjuguant l’africanité au cosmique.
Le film de Ryan Coogler (auteur du dernier Rocky) a voulu tout faire rentrer : des échos les plus intellos de l’identité noire à ses atours les plus kitsch, des franges plus ou moins radicales des civil rights (Chadwick Boseman et Michael B. Jordan rejouant Martin Luther King contre Malcolm X, version übermensch) aux massacres intertribaux et leurs résolutions panafricanistes, en passant par le Roi Lion et les clips world 90’s à ciels violets et herbe verte fluo (on a eu Alane de Wes en tête pendant certaines scènes).
Certes, l’histoire – le héros affronte un challenger désireux de libérer la puissance militaire du Wakanda pour la mettre au service des luttes noires worldwide, au risque de semer la mort et d’anéantir le fragile secret du pays – a l’intérêt d’une mauvaise BD.
Mais ce n’est presque pas grave : on est saisi ici par un pur événement de représentation, une appropriation de l’imaginaire pop dont la motivation première pouvait faire craindre un prêchi-prêcha, alors que son résultat relève au contraire d’une réussite purement sensorielle. L’ébène a un reflet fluo, les nuances du pourpre impriment plus encore la rétine que celles du noir dans ce film dont il devrait pourtant être la dominante chromatique, et c’est bien pour une raison : Black Panther est peint à l’ultraviolet et fait exploser les limites du spectre.
Black Panther de Ryan Coogler (E.-U., 2018, 2 h 14).
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