Un documentaire puissant, portrait d’une personne transgenre mais surtout trame d’un combat politique pour la liberté d’être soi-même.
Au cinéma, documentaire et fiction, la transidentité s’aborde souvent par le prisme d’un cadre temporel précis : les films s’ouvrent peu avant le début d’un traitement hormonal ou d’une chirurgie esthétique et s’achèvent avec leur accomplissement ou, si c’est un drame, leur échec. Ils sont le journal de bord d’une transformation, physique et mentale, d’une dialectique entre le corps et l’action conjuguée du temps et de l’industrie pharmaceutique. C’était le cas dans deux films sortis l’an dernier : l’aussi beau que confidentiel Finding Phong ou le blockbuster trans Girl.
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Si Bixa Travesty (contraction de travelo et de tapette en portugais) les rejoint en tant que portrait d’une personne transgenre – une jeune performeuse brésilienne prénommée Linn da Quebrada –, la dialectique corps-film n’est ici pas du tout la même. Pour Linn da Quebrada, l’enjeu n’est pas tant la transformation de son propre corps que celle de la société brésilienne tout entière, contre laquelle elle s’insurge, micro à la main, dans des envolées de trap teintée de hip-hop, qui rappellent les happenings musicaux d’Arca. Les captations de concert sont ponctuées de séquences où Linn s’adresse à la caméra dans l’espace feutré d’un studio radio et de scènes plus intimes, avec ses proches, notamment des scènes d’ablution aussi crues que touchantes.
L’artiste y scande sous plusieurs formes et avec une impétueuse énergie son combat contre le machisme, son manque d’amour, sa volonté d‘ »entarlouzer » le reste du monde, de sortir d’une logique où un corps transgenre se doit de surjouer les codes de la féminité ou de la masculinité. Documentaire aussi ramassé dans sa forme que politiquement puissant, Bixa Travesty ne prône rien de moins que l’abolition de la distinction entre expression de genre et identité de genre. Comme Linn le dit, il est temps d’accepter qu’‘il y a des femmes qui ont une bite ».
Bixa Travesty de Kiko Goifman et Claudia Priscilla avec Linn da Quebrada (Bré., 2018, 1h15)
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