Cinquième long-métrage d’Alejandro Gonzalez Inarritu, « Birdman » s’annonce comme l’un des principaux favoris de la saison des récompenses du cinéma américain qui a débuté il y a deux semaines et qui s’achèvera le 22 février 2015 avec les Oscars.
Après quatre films au ton très dramatique, le réalisateur de Babel s’intéresse à la comédie avec Birdman. Le film nous plonge dans les angoisses d’une ancienne star de film de super-héros devenue complètement « has been ». Cet acteur déchu reprend son personnage le temps d’une pièce de théâtre qu’il décide de monter à Broadway.
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Un anti-film de super-héros
Le film détourne le genre du film de super-héros en lui substituant la figure de l’acteur nostalgique de sa gloire passée. A ce renversement du tout-puissant qui devient impuissant s’ajoute une volonté de critiquer l’industrie du spectacle. Dans une interview donnée à Deadline, Alejandro Gonzalez Inarritu déclarait à ce propos :
« Franchement, je comprends qu’on fasse une fixette sur les comics quand on a 7 ans, mais continuer à s’accrocher à ces histoires pour enfant en grandissant, c’est un peu dérangeant. Je passe parfois un bon moment devant un blockbuster de ce type, car ils sont faciles à comprendre et qu’ils s’apprécient bien avec du popcorn. Le problème, c’est que parfois, ils se veulent inspirés de mythologie antique ou de trucs profonds, alors qu’en fait, ils sont plutôt bas du front. (…) Pour moi, c’est comme du poison, comme un génocide artistique car le public s’habitue à ce type d’histoires, il est surexposé à ces pitchs expéditifs et ces explosions géantes qui ne disent absolument rien sur le genre humain ou l’expérience de la vie. (…) En fait, même le mot ‘héros’ me dérange. Mais qu’est-ce que ça veut dire, bordel ? Un super-héros, c’est une conception faussée. Quand on y ajoute de la violence, ça devient carrément primaire. Et quand vous observez la mentalité de ces films, c’est toujours pareil. L’histoire de gens riches, qui ont du pouvoir, qui font le bien et tuent les méchants. Philosophiquement parlant, je n’aime pas ça. (…) A Hollywood, ce n’est pas un secret, les gens veulent gagner beaucoup d’argent. Quand vous mettez 100 millions de dollars dans un film et que vous en récoltez 800 ou même 1 milliard, c’est facile de convaincre les financiers de vous refiler du boulot. Alors que si vous récoltez 80 millions à partir d’un budget de 20, on ne vous félicitera pas, on vous dira : ’80 millions ? Mais moi, j’en veux 800 !’. En gros, ces films éclipsent tout le reste. »
Un casting cinq étoiles
Pour incarner ce personnage, le réalisateur a choisi Michael Keaton car l’acteur a beaucoup en commun avec Birdman. Comme lui, il fut l’acteur de films de super-héros (les deux Batman de Tim Burton en 1989 et 1991) avant de connaître une traversée du désert assez importante. Le reste du casting est plein de promesses: Zach Galifianakis, Edward Norton, Emma Stone et Naomi Watts. A cette brochette d’acteurs s’ajoute un chef opérateur de talent en la personne d’Emmanuel Lubezki, auteur de la photographie des quatre derniers films de Terence Malick mais également de Gravity (pour lequel il a remporté l’Oscar de la meilleure photographie l’année dernière), Burn After Reading et Les Fils de l’homme, entre autres.
Nommé 7 fois aux Golden Globes
Après un succès inattendu au box-office américain, le film a été nommé de nombreuses fois aux Screens Actors Guild Awards, aux Independant Spirit Awards et surtout aux Golden Globes. Avec 7 nominations dans les catégories de meilleure comédie, meilleur acteur dans une comédie, meilleur acteur dans un second rôle, meilleure actrice dans un second rôle, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleure musique, Birdman est le film le plus nommé et se place clairement en grand favori des Golden Globes.
Mais cela en fait-il pour autant un favori pour les Oscars ? Oui et non, car si ces nominations apportent un coup de projecteur énorme sur ce film indépendant et lui assurent des nominations aux Oscars, rien ne garantit que les choix du jury des Oscars seront les mêmes que ceux des Golden Globes. Il faut savoir que ces deux jurys sont complètement différents. Celui des Golden Globes est composé de 90 critiques de cinéma de 55 nationalités différentes tandis que celui des Oscars est composé de 6000 votants issus de l’industrie du cinéma américain. A titre comparatif, il existe la même différence entre le Prix Louis-Delluc et les César qu’entre les Golden Globes et les Oscars. Les Golden Globes récompensent souvent des films moins conventionnels que ceux primés aux Oscars. Pourtant, depuis trois ans, les palmarès des deux cérémonies sont quasiment similaires, à l’image de l’année dernière où elles ont sacré le même réalisateur (Alfonso Cuaron), le même film (Twelve Years a Slave) les mêmes acteurs (Matthew McConaughay, Cate Blanchett et Jared Leto) et le même scénario (Her).
Il faut remonter à 2011 pour voir une vraie opposition de style puisque les Golden Globes avaient alors récompensé le cinéma d’auteur avec The Social Network de David Fincher (meilleur film dramatique, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleure musique) quand les Oscars avaient été le théâtre du triomphe du biopic poussiéreux avec Le Discours d’un roi de Tom Hooper (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur et meilleur scénario). L’histoire pourrait bien se répéter cette année avec, dans le rôle du biopic, Imitation Game de Morten Tyldum et Birdman dans le rôle du film d’auteur, à moins que Boyhood de Richard Linklater ne mette tout le monde d’accord…
Réponses le 11 janvier pour les Golden Globes et le 22 février pour les Oscars. Le film sortira d’ailleurs en salle trois jours plus tard, le 25 février.
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