Et si on prenait les fous au sérieux ? Et si la folie, loin d’être une pathologie nécessitant l’isolement, était un moyen d’accéder à d’autres régimes de réalité, pas moins valable que celui des « gens normaux » ? Cette idée, née dans le sillage de l’antipsychiatrie des années 70, ressurgit aujourd’hui avec force dans le cinéma […]
Et si on prenait les fous au sérieux ? Et si la folie, loin d’être une pathologie nécessitant l’isolement, était un moyen d’accéder à d’autres régimes de réalité, pas moins valable que celui des « gens normaux » ? Cette idée, née dans le sillage de l’antipsychiatrie des années 70, ressurgit aujourd’hui avec force dans le cinéma américain : Minuit à Paris (Woody Allen), Take Shelter (Jeff Nichols), Walk away Renée (Jonathan Caouette), et Le Complexe du castor (Jodie Foster).
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Attardons-nous sur ce dernier, sur les écrans depuis le 25 mai. Troisième film de Jodie Foster, c’est l’un des objets hollywoodiens les plus bizarres vus récemment. Figurant Mel Gibson dans son propre rôle, ou presque (celui d’un homme en plein burn out, père de famille et capitaine d’industrie incapable de se relever d’une dépression profonde), l’actrice-réalisatrice imagine pour lui une drôle de thérapie : la prise de contrôle de son cortex par un castor fictif, pauvre marionnette boulochée tenue de la main droite et parlant à travers la bouche de son hôte avec un accent australien (l’accent originel de Gibson).
Outre la performance toute en glissements groggy de son acteur revenu de ses navets sulpiciens ( La Passion du Christ, Apocalypto), la beauté du film provient du sérieux avec lequel est traitée cette extravagante situation. Loin de s’adonner aux débordements burlesques attendus, Jodie Foster suit une ligne plus indécidable, exploitant le potentiel tragi-comique de chaque piste sans donner plus à l’un qu’à l’autre.
Tout le monde finit ainsi par trouver normal que Mad Max se trimballe avec une peluche à queue plate au bout du bras, et la « thérapie », élaborée loin de l’HP, finit par fonctionner. Le Complexe du castor est un film de son époque. Il ne s’agit plus pour le cinéma de dénoncer la folie comme telle pour en observer les effets néfastes, mais bien plutôt d’en faire une force créatrice. Le cinéma, plus que jamais un art de voyants.
Jacky Goldberg
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