Gus Van Sant, Lars von Trier et Naomi Kawase ont dominé sans peine la 56e édition du Festival de Cannes. Jusqu’à la dernière ligne droite, pas un outsider, aucune découverte majeure. Bilan : une sélection officielle monotone où l’on a même tenté, côté français, de noyer quelques perles sous les Côtelettes de Fanfan.
Deux grands absents dans le palmarès 2003 : Shara et Dogville. Le premier a peut-être souffert de son infinie délicatesse, ou de sa programmation tardive, le second de son lancement médiatique trop unanime et trop précoce et du triomphe trop récent de Dancer in the Dark (Palme 2000). Clint n’est pas là non plus, mais lui, c’est Palme d’or ou rien. Et vu que le bon Mystic River ne méritait pas vraiment l’honneur suprême… Pour le reste, on retrouve les favoris qu’étaient Denys Arcand et surtout Gus Van Sant. Les prix décernés à Uzak font très plaisir : un film superbe, dont l’un des deux acteurs primés est décédé peu après l’achèvement du film. Rien à dire sur Les Invasions barbares, si ce n’est que le prix du scénario était le plus approprié pour ce film ultra-dialogué.
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Mais le vrai coup de tonnerre, coup de c’ur, coup de sang, de ce palmarès, c’est le double shot d’Elephant, Gus Van Sant récoltant la Palme et le Prix de la mise en scène, pas moins : un vrai choix artistique, une formidable reconnaissance pour un film sublime. Cet éléphant palmé (drôle d’animal) couronne en beauté une édition de qualité globale assez mitigée.
D’un rapide sondage dans la population festivalière se dégageait une sentence : Cannes 2003 ne fut pas folichon. Outre une météo au beau fixe et quelques fêtes maigrichonnes, on a vu peu de films vraiment marquants et constaté un encéphalogramme plat du côté des découvertes majeures. Une compétition moyenne dominée sans peine par Gus Van Sant, Lars von Trier et Naomi Kawase ; Un certain regard incertain d’où ressortent sans éclat particulier Arnaud Desplechin, Marc Recha, Murali Nair, Lin Chen-sheng et Jafar Panahi ; une Quinzaine médiocre sauvée par un formidable bataillon français (Green, Guiraudie, Amalric, Imbert) ; et une Semaine de la critique plutôt meilleure qu’à l’ordinaire, ce qui ne nous emmène pas très haut quand même.
Si l’on reste dans la grille des diverses sélections, le meilleur rapport attente/résultat vient finalement des programmes « séances spéciales » et « hors compétition » avec le divin Monteiro, un Moretti égal à lui-même (humour, élégance et conscience politique), le poignant Rithy Panh ou l’anachronique et rafraîchissant Lester James Peries.
Thématiquement, les deux sujets dominants furent les pères (monstrueux ou démissionnaires, omniprésents ou trop absents, ils furent déclinés chez Desplechin, Ruiz, Van Sant, Kawase, von Trier, Recha, Sokourov, Eastwood…) et la catastrophe : politique, militaire, humanitaire, existentielle, qu’on retrouve chez von Trier, Haneke, Panh, Makhmalbaf, Arcand, Chen-sheng, Van Sant, Lou Ye…
Cette année, on aura d’ailleurs été frappé par une forte division entre les films qui jactent intensément (Dogville, Le Monde vivant, Pas de repos pour les braves, Les Invasions barbares, La Petite Lili, Les Côtelettes, Mystic River…) et ceux plutôt adeptes du silencio et de la stase contemplative ou de la picturalité (The Brown Bunny, Uzak, Purple Butterfly, Père et Fils…).
Avant le palmarès, un mot de la sélection française : sauvée par le superbe Tiresia de Bonello et le très correct Qui a tué Bambi ? de Gilles Marchand, elle fut un fiasco, entre l’académisme popote et gentiment réac de La Petite Lili, les clichés lisses de Swimming Pool, le pompon de la laideur, de la bêtise et de la nullité étant décrochés par Fanfan et Les Côtelettes, deux productions Besson. Mais que s’est-il passé au comité de sélection ?!
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