En liant un fait divers historique à une intrigue des frères Coen, George Clooney livre une satire émoussée du rêve américain.
On est en droit de préférer le George acteur au Clooney réalisateur, le séducteur au charisme publicitaire à l’artisan de fresques historico-politiques ouvragées pour les Oscars. Et si c’est Steven Soderbergh qui a taillé le plus de rôles à la mesure de ses costumes impeccablement repassés, ce sont Joel et Ethan Coen qui ont appréhendé le plus finement la part comique de cet improbable descendant de Cary Grant (O’Brother, Intolérable cruauté, Burn after Reading et Ave, César !).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
A l’heure où Clooney déclare vouloir mettre fin à sa carrière d’acteur sort Bienvenue à Suburbicon, scénarisé par les frères cinéastes et hommage évident à leur filmographie. La boucle pourrait être bouclée, mais sa fermeture est rouillée.
En 1959, dans la petite ville proprette de Suburbicon, la maison de Gardner Lodge (Matt Damon) est le théâtre silencieux d’une violence sous cloche. Le comptable a priori inoffensif a échafaudé, avec la complicité de sa belle-sœur Margaret (Julianne Moore), un plan sinistre pour se débarrasser de sa femme et récupérer son assurance-vie. Sur ce canevas fictionnel rappelant furieusement Fargo se greffe un fait divers réel, celui de l’emménagement houleux des Myers, une famille afro-américaine, dans un lotissement à la population entièrement blanche en Pennsylvanie. Le soir-même, cinq cents personnes ivres de haine s’étaient rassemblées devant leur domicile, criant des insultes racistes et agitant des drapeaux confédérés.
Le film ne parvient pas à opérer une dialectique entre ses deux brasiers de violence. L’émeute raciste, aux tenants pourtant édifiants, est reléguée en toile de fond du drame domestique, qu’il contamine par le hors-champ sonore ou le décor – on entrevoit le rassemblement par les fenêtres, rapidement fermées, où son écho distordu dans les bulletins d’information télévisés.
En détournant le regard d’une violence réelle pour se concentrer sur sa reprise métaphorique, Clooney cherche-t-il à démontrer que, bien avant l’arrivée des Myers, le ver était déjà présent dans le fruit suburbicain ? Lorsque le fils Myers offre au petit Lodge un serpent dans un bocal, on comprend plutôt que le martyre de la pauvre famille n’est qu’un accessoire déclencheur parmi tant d’autres de cette tragédie boursouflée.
Bienvenue à Suburbicon de George Clooney (E.-U., 2017, 1 h 44)
{"type":"Banniere-Basse"}