Des prisonniers évadés, une forêt, des histoires de loups… Un conte sensuel et mystérieux.
On avait découvert le cinéma sensuel et solaire d’Alessandro Comodin avec L’Eté de Giacomo, un moyen métrage qui tenait à la fois de Renoir et de Weerasethakul. On retrouve ce mélange, évident et singulier, de réalisme et de fantastique dans ce nouveau film qui revêt autant de grâce que son titre.
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Dans une première partie, deux frères, Tommaso et Arturo, s’enfuient dans une forêt. Comodin saisit à cru leur marche, leurs efforts physiques, leur baignade dans l’eau claire d’une rivière, leur subsistance difficile où il faut savoir poser un piège puis dépecer un lapin pour se nourrir. Le cinéaste capte une sensation d’aventure bucolique, de liberté enivrante sur laquelle plane on ne sait quelle menace diffuse. On éprouve une sensation du présent pur, une expérience de temps brut, un peu comme dans le Gerry de Gus Van Sant. Puis, au détour d’une clairière, survient un événement imprévu et brutal.
Après un intermède dans lequel des paysans racontent des histoires de loups et autres légendes populaires du cru, on retourne dans la forêt avec Ariane (excellente et magnifique Sabrina Seyvecou), qui vit seule avec son père dans une maison au fond des bois. Elle explore un gouffre, sorte de galerie secrète au bout de laquelle elle retrouve Tommaso (ou est-ce Arturo ?). Tommaso n’était donc pas mort ? A-t-il ressuscité ? Ariane a-t-elle traversé un espace-temps ? Sommes-nous dans l’une des fables contées par les paysans ?
Comodin se garde bien d’apporter des réponses précises aux interrogations du spectateur et c’est très bien comme ça. Il préserve ainsi tout le mystère sensuel et poétique d’un film qui baigne dans une étrangeté à la lisière du fantastique, sans le moindre effet spécial si ce n’est celui des courbures et sauts d’un récit qui s’invente loin de nos logiques cartésiennes. L’art bifide de Comodin est finalement assez limpide : le fantastique réside dans les ellipses et agencements de la dramaturgie alors que la mise en scène, le traitement de l’image, demeurent de facture quasi documentaire.
Cet assemblage procure une sensation de naturel, de vivacité, de préhension du monde, de fraîcheur et de mystère, éléments qui rendent imprévisible et désirable chaque plan à suivre – soit le cinéma dans son essence la plus simple et la plus pure.
Bientôt les jours heureux d’Alessandro Comodin (It., Fr., 2016, 1 h 40)
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