Ce week-end la 66e édition Berlinale présentait trois films français : « L’avenir » avec Isabelle Huppert, « Quand on a 17 ans » d’André Téchiné et « The End » signé Guillaume Nicloux avec Gérard Depardieu. Un coup de force ravissant.
Les cinéastes français ont débarqué en force en ce week-end d’ouverture de la 66e Berlinale, à commencer par André Téchiné qui présentait Quand on a 17 ans (Compétition), beau titre qui évoque aussi bien Rimbaud que Chuck Berry. Racontant la découverte de leurs sentiments et de leur sexualité par deux lycéens, le film ressemble fort à un reboot 2016 des Roseaux sauvages.
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Avec son récit riche de diverses hypothèses (écrit avec Céline Sciamma), sa mise en scène vive et dégraissée, sa tension et sa fièvre, son ampleur romanesque, son goût habité des paysages montagnards, ses performances d’acteurs aiguisées (la toujours excellente Sandrine Kiberlain, le jeune Kacey Mottet Klein et la révélation Corentin Fila…), Quand on a 17 ans est aussi beau que son titre, peut-être le plus pleinement réussi de son auteur depuis Les temps qui changent, voire Les voleurs.
Gérard Depardieu jouait dans Les temps qui changent, on le retrouve à Berlin dans The End de Guillaume Nicloux (Forum). Manifestement heureux de leur collaboration sur Valley of Love, Nicloux et Gégé ont enchaîné fissa avec ce film tourné rapidement pour un petit budget. L’histoire d’un homme usé, solitaire, vivant avec son chien, qui part à la chasse et se perd en forêt. Ce pitch qui pourrait évoquer Blair Witch Project, Old Joy, certains films d’auteurs japonais, ou même Gerry, est évidemment chargé de symboles et de métaphores.
C’est le personnage, voire l’acteur, qui perd sa boussole, qui cherche son chemin, sa raison de vivre. En filmant cette errance forestière comme un rêve éveillé (ou un cauchemar), Nicloux déploie une tonalité fantastique ténue, reposant uniquement sur la légère étrangeté de la situation et non sur des effets spéciaux ou sur un onirisme forcé. Avec peu de moyens et un scénario mince en péripéties et personnages secondaires, le film tient évidemment beaucoup sur la présence et le jeu au-delà de la performance de Depardieu. Au final, The End est un film modeste mais assez puissant sur la vieillesse, quand le goût de vivre commence à s’amenuiser.
Après la projo, Nicloux et son acteur sont venus répondre aux questions du public ce qui nous a donné l’occasion de voir un Depardieu en pleine forme, bavard et rigolard. De ses propos, on a retenu que les scénarios bien vissés et les histoires avec un début, un milieu et une fin l’emmerdaient. Ce n’est plus une bonne histoire que l’acteur recherche au cinéma mais une vibration, une promesse poétique et cinématographique, ainsi qu’une bonne camaraderie avec le réalisateur.
On ne sait pas si le rabelaisien Depardieu pourrait habiter le cinéma si délicat de Mia Hansen-Love – qui a éclos au cinéma en même temps que la coscénariste du Téchiné, Céline Sciamma, et qui est la compagne d’Olivier Assayas, lequel a débuté au cinéma en écrivant des scénarios pour Téchiné – oui, tout se tenait dans les films français berlinois. Soyons honnête, on a loupé L’Avenir (Compétition), qui était projeté la veille de notre arrivée à Berlin, mais si l’on en croit la presse internationale, Mia n’a pas loupé son 5e film (déjà).
Variety évoque “un film à la fois d’une simplicité désarmante et riche en sentiments complexes, avec une matoise et émouvante Isabelle Huppert qui pourrait prétendre être la meilleure actrice du monde en activité sans la moindre trace de frime.”
De son côté, Screen International parle d’une “véritable rareté : un film qui permet à une femme d’âge mûr de s’épanouir par elle-même plutôt que dans les bras d’un homme. Ça, plus la performance engageante et souvent drôle de l’incomparable Huppert devrait permettre à ce film de trouver un public enthousiaste ». Mia Hansen-Love célébrée par les deux bibles hollywoodiennes du ciné-business, c’est trop bon. En ce début de Berlinale, champions du monde, les Français !
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