La grande université californienne disséquée par le ténor du docu américain.
Rien ne va plus à Berkeley, la mythique université publique (c’est important) de Californie fondée en 1868 à San Francisco. C’est la crise, et les budgets alloués par le gouverneur sont encore une fois à la baisse…
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Comment faire survivre cette véritable entreprise où se regroupent plus de 33 000 étudiants ? Connue pour son accueil de la “diversité”, son ouverture aux classes défavorisées, forte de son histoire politique (les mouvements contestataires de la fin des années 60), Berkeley se trouve
dans une situation critique et ses dirigeants (pour la plupart anciens étudiants “gauchistes”) doivent trouver un équilibre budgétaire et pourtant continuer non seulement à accueillir des jeunes issus des milieux les plus pauvres mais aussi, désormais, garantir l’accès aux études aux jeunes issus des classes moyennes, également touchées…
C’est le moment que choisit le grand Frederick Wiseman, 85 ans, pour planter pendant le premier semestre sa caméra au sein d’une de ces institutions (hôpitaux, écoles diverses, commissariats, conservatoires, clubs de sport, tribunaux, agences de mannequins, etc.) auxquelles il a consacré la plus grande partie de son œuvre (trente-huit films à ce jour !). Mais celle-ci lui est peut-être plus chère encore, puisqu’il a longtemps enseigné le droit (notamment à Harvard) avant de devenir producteur de cinéma puis documentariste.
Quatre heures durant, qui ne laissent aucun répit et ne lassent jamais, Wiseman filme des cours (parfois, on ne comprend rien), magistraux ou non. On découvre aussi un art de l’enseignement assez peu fréquent de notre côté de l’Atlantique : les étudiants peuvent exprimer et argumenter leurs points de vue, dans un respect de la parole de l’autre assez revigorant.
Dès le début du film, une jeune femme noire pose sur la table ce qui va devenir le nœud du film : elle qui est issue d’un milieu modeste ne comprend pas pourquoi aujourd’hui elle devrait se montrer solidaire des étudiants de la middle class. Ont-ils jamais été dérangés par la pauvreté ? D’autres étudiants lui répondent. Puis la professeur reprend la parole et tente de synthétiser la situation d’un point de vue historique et politique…
Grâce à la durée des scènes et des plans, les recteurs et directeurs de départements nous deviennent peu à peu familiers, et nous partageons leurs angoisses, leurs espoirs, leur ironie (notamment face aux étudiants agitateurs qui réclament tout et n’importe quoi sans discernement), leur fatalisme. Quel sera l’avenir de la culture dans une civilisation occidentale en plein déclin économique ? C’est tout le débat qui agite ce film salutaire et stimulant.
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