Fantasme ou réalité ? Séverine, impassible Deneuve, s’enfonce-t-elle vraiment dans la souillure ? Bunuel, génial, ne résoud pas l’énigme.
Luis Bunuel meurt le 29 juillet 1983. Pour lui rendre hommage, la chaîne FR3 diffuse le soir même à 20 h 30 l’un de ses chefs-d’œuvre, Belle de jour, assorti d’un carré blanc. C’est l’été, les vacances. Un couple de parents
part dîner chez des amis, laissant leur petit garçon de 13 ans (l’auteur
de ces lignes) seul devant la télévision. Ils sont partis pendant le journal télévisé, ne se doutant pas qu’il serait suivi d’un film « carré blanc » qui ne manquerait pas de scotcher le petit garçon au téléviseur. Là, seul, dans la chaleur de la nuit d’été, l’enfant va découvrir tout à la fois un grand cinéaste,
une grande actrice, et, confusément, l’une des lignes de force de sa sexualité. Pour incarner Séverine, cette bourgeoise en Yves Saint Laurent aux fantasmes de souillure, Luis Bunuel ne pouvait rêver meilleure interprète que Catherine Deneuve. Alors au sommet de sa beauté, elle porte déjà ce masque d’impassibilité qui convient tellement à ce personnage, dont la surface si lisse, si parfaite, cache des abîmes de perversité. Fantasme ou réalité ? Fidèle aux fameux vases communiquants (le rêve et la réalité) chers à André Breton, Bunuel ne tranche jamais sur la nature de chaque plan, qui peut, à chaque fois, être pris aussi bien pour un fantasme de Séverine que pour ce qu’elle vit réellement. On ne sait pas, et c’est cette énigme qui fait le génie absolu du cinéaste. Plus tard, quand il descendra dans certaines backrooms, le petit garçon s’imaginera Deneuve filmée par Bunuel, le visage figé dans
un sourire à la Mona Lisa, prêt à toutes les souillures.
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