Le second long-métrage professionnel du réalisateur japonais Tetsuya Mariko questionne avec brio notre rapport à la virilité et le lien qu’il entretient avec le rôle de père. En salle depuis le 27 juillet.
Doit-on remettre en cause ses capacités lorsque l’on devient père ? C’est la question très moderne que pose le second long-métrage de Tetsuya Mariko, ancien élève de Kiyoshi Kurosawa. C’est l’histoire de Miyamoto, un employé de papeterie quelconque qui voit sa vie basculer lorsque sa copine se fait violer et qui s’obstine, malgré son corps visiblement pas taillé pour la bagarre, à faire du mal au coupable, un rugbyman au gabarit imposant. Becoming Father mélange avec habileté la comédie romantique, le drame et le film de bagarre sans jamais être hors-sujet.
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L’un de ses points forts tient à la manière dont il joue de son montage, alternant les scènes dans le présent et celles du passé, sans aucune indication extradiégétique et sans pour autant perdre un seul instant le spectateur. On sait que le personnage va devenir père grâce à ce montage très particulier et, lorsqu’il l’apprend, sa réaction est explosive, comme si le fait de se savoir père était plus fort que la virilité ou l’entraînement, montrés comme une source d’énergie et de puissance presque inépuisable, permettant de surmonter tout problème, révélant certainement un thème cher au réalisateur.
Le film va parfois même plus loin que ça, dressant un portrait général de l’Homme comme déflagrateur, destructeur et manipulateur, toujours distant, jamais tranquille ni certain. Le réalisateur paraît n’avoir que de l’amour pour ceux qui sont en marge et qui, comme le dit le personnage principal, “veulent se mettre le monde à dos”.
Une force poétique saisissante
Cet amour d’une société en marge peut faire penser au film Kids Return de Takeshi Kitano, avec lequel il a en commun des personnages dotés d’une rage destructrice, qui tentent de s’évader d’un système montré comme enfermant et ennuyeux. Mais là où Becoming father est le plus intéressant, c’est sûrement dans sa faculté à mettre en scène des personnages, des situations mais surtout des images d’une force poétique saisissante. Il y a par exemple une scène de tempête sur une plage d’une beauté rare, qui arrive chronologiquement à la fin de l’histoire mais qui est amenée par la force du montage avant les tristes événements qui vont survenir dans la vie du couple, comme pour les prévenir d’une terrible menace.
On ne serait tout à fait quitte avec le film si on ne louait pas également sa bande originale, composée de doux thèmes mélancoliques, qui illustrent à merveille son atmosphère, notamment lors d’une scène de sexe au début du film. Mais parmi ses morceaux downtempo surgit aussi le titre Do you remember ? de Hiroji Miyamoto, qui déborde d’énergie et décrit très bien la quête des personnages de vivre une vie paisible, en famille, seul·es, face au monde. Des nappes de mélancolies douceâtres et des éclats d’affrontements violents, filmés de façon crue et rock’n’roll : c’est toute la dualité de ce film, hétérogène mais harmonieux.
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