Le cinéaste et plasticien arpente le Paris de Barbès aux côtés d’un voyant tout autant escroc que magicien.
Maillon essentiel du renouveau du cinéma français opéré au milieu des années 2010, l’œuvre jeune mais déjà vaste du plasticien et cinéaste Clément Cogitore (deux longs, un moyen métrage documentaire, une mise en scène à Garnier et une série d’installations vidéo) travaille, au sein d’un même geste, le rationnel et l’irrationnel. Tout en cueillant la réalité du terrain dans une démarche proche de celle du documentariste, il orchestre la mise en place de toute une cartographie de signes et de croyances.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Des étendues sableuses d’Afghanistan dans Ni le ciel ni la terre (2015) jusqu’à la taïga sibérienne de Braguino (2017), Cogitore n’avait jusqu’à Goutte d’or jamais filmé l’urbanité. Sa caméra saisit ici le bouillonnement aux alentours du métro Barbès ainsi que la vie quotidienne du quartier parisien alentour, condamné au hors-champ dans la plupart des productions françaises, avec une précision inédite. Le cinéaste détaille cette véracité pour mieux en révéler la nature mythologique, sans tomber dans l’écueil de l’exotisme.
C’est à ce titre que Goutte d’or révèle le mieux la perméabilité de ce cinéma à l’embranchement du prosaïsme et du mysticisme. Ce double mouvement s’incarne dès l’impressionnante entrée en matière, s’invitant dans les artères secrètes du cabinet du voyant Ramsès. Le film nous immerge au cœur d’un miracle qu’il va renverser quelques minutes plus tard, pour mieux en décortiquer la minutieuse supercherie.
Il y a toujours une manifestation du réel qui nous échappe
Le quotidien falsificateur de Ramsès, tout autant escroc que magicien, est soudain frappé de deux révélations, l’une émanant du réel (le surgissement d’une bande de jeunes Marocains qui errent dans la rue) et l’autre du surnaturel (la vision d’un cadavre dans un chantier). Ce que comprendra Ramsès, c’est que s’il y a toujours une manifestation du réel qui nous échappe, ce qui compte alors plus que tout, c’est la croyance que l’on dépose sur ces signes. C’est ainsi tout autant le ciel que la terre que sacre merveilleusement le cinéma de Cogitore.
Goutte d’or de Clément Cogitore, avec Karim Leklou, Malik Zidi (Fr., 2022, 1 h 38). En salle le 1er mars.
{"type":"Banniere-Basse"}