Montrer au public actuel, supposé ne pas la connaître, l’oeuvre picturale surviolente et magistrale de Jean-Michel Basquiat, tel est le sens du projet cinématographique d’un autre peintre, Julian Schnabel. Entreprise pédagogique, mais qui emprunte hélas la voie de la facilité, celle du genre rebattu de la biographie, pour retracer la vie éclair de cet artiste […]
Montrer au public actuel, supposé ne pas la connaître, l’oeuvre picturale surviolente et magistrale de Jean-Michel Basquiat, tel est le sens du projet cinématographique d’un autre peintre, Julian Schnabel. Entreprise pédagogique, mais qui emprunte hélas la voie de la facilité, celle du genre rebattu de la biographie, pour retracer la vie éclair de cet artiste né en Haïti en 1960 et mort d’une overdose en 1988. Par chance, la peinture de Basquiat ne s’en sort pas si mal, et peut-être le film apprend-il à mieux la voir. Pour autant on ne retrouvera jamais ici la réalité brute et épaisse de la matière picturale, l’intelligence dans l’approche biographique démontrée par le Van Gogh de Pialat. Surtout, Schnabel hésite sans cesse entre différents films : soit le récit tragique du génie incompris, voire le film fun à destination du « public jeune » (en multicolor : Basquiat en surfeur avalé par les vagues, comme une nouvelle version de l’artiste maudit) ; soit la copie fidèle d’un milieu artistique new-yorkais dominé par la figure d’Andy Warhol, interprété ici cheveux blancs et cul serré par David Bowie : la ressemblance est frappante, mais on s’étonne qu’un peintre non-figuratif comme Schnabel et Bowie… puisse encore mesurer la qualité d’un portrait à son degré de ressemblance. Pourtant, derrière cette confusion, un autre film se cache, assez intéressant : l’histoire d’une amitié manquée et surtout, de la part du réalisateur, l’aveu cruel de n’avoir pas su aimer ni comprendre le génie pictural de Basquiat. Juste avant l’overdose finale, on retrouve Gary Oldman (Albert Milo, double de Schnabel à l’intérieur du film) dansant avec sa fille (Lola Schnabel) au milieu de ses toiles (signées Schnabel) : autocondamnation, dix ans après, d’un homme autosatisfait, insensible à l’oeuvre et à la douleur de l’autre. Le film venait pour effacer cet aveuglement ; mais faute d’en avoir montré le versant intime de façon plus claire et nette, Julian Schnabel a une nouvelle fois raté son rendez-vous avec Basquiat.
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