En Angleterre, au XVIIIe siècle, un brave garçon devient une sombre crapule. Splendeur visuelle, vanité… Indispensable.
« Beaux ou laids, pauvres ou riches, les personnages de ce film sont désormais égaux dans la mort. » C’est sur ces cruelles paroles que se termine ce film au-delà de tout éloge. Certains ont tenté de le réduire à une chronique académique en costumes. Il vaut tellement mieux. Sur une intrigue implacable du moraliste anglais Thackeray (une sorte de La Bruyère d’outre-Manche), Kubrick a imaginé un film en deux parties distinctes séparées par un interlude. On ne saurait être plus simple. La première partie voit l’ascension du jeune et naïf Redmond Barry qui, plongé dans un XVIIIe siècle anglais corrompu, devient, à force d’ambition et de trahisons, l’opulent mais pourri Barry Lyndon.
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La seconde partie voit sa chute. On a souvent parlé de la splendeur visuelle du film, il est vrai stupéfiante, ouvertement inspirée par les tableaux de Gainsborough ou Constable, tout en éclairages à la bougie et en plans composés. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’est pas gratuite. Comme les fleurs au sommet de leur beauté sont déjà en train de mourir, la poudre et les mouches sur les visages ne sont là que pour dissimuler corruption et pourriture.
Une BO avec les « hits » du classique, des costumes et des coiffures renversants ne servent qu’à masquer la gangrène qui ronge les cœurs et les corps. Les purs sont condamnés à la folie, et, de toute façon, la mort est la seule issue. De ce constat, Cioran a tiré des livres désespérés et hilarants. Kubrick trouve la force d’en faire un film magnifique, qu’il faut voir et revoir, pour en apprécier toutes les subtilités. Pour une fois, on va pouvoir sortir le mot chef-d’œuvre du placard.
Olivier Nicklaus
Barry Lyndon de Stanley Kubrick, avec Ryan O’Neal, Marisa Berenson, Hardy Krüger (1975, G-B, 178 mn, VO)
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